Mars 1854, le naufrage du Grace Mc Eva à Karreg Cromm en Plouguerneau.
« Le trois-mâts anglais GRACE MAC EVA, allant de Québec à Londres avec une cargaison de bois, est venu à la côte dans la baie du Koréjou, dans la nuit du 29 janvier dernier. Ce bâtiment d’environ 700 tonneaux est maintenant sur les rochers, à environ une demi lieue de terre, défoncé et hors d’état d’être réparé. On espère pouvoir l’emmener à la côte ferme si le temps favorise cette opération. On s’occupe activement du sauvetage du gréement, de la voilure et de la cargaison. Le Moniteur d’hier annonce que le GRACE MAC EVA, désemparé, ayant son gouvernail brisé et étant entre deux eaux, a été rencontré en mer le 4 janvier par le navire ADOLPHE-LECOUR de Nantes. Tout porte à croire que l’équipage de ce malheureux navire aura été recueilli en mer par quelque autre bâtiment ». (L’Océan du 1er février 1854).
« Le navire anglais GRACE MAC EVA, de 845 tonneaux, avec un plein chargement de bois, parti de Québec à destination de l’Ecosse, au commencement du mois de novembre dernier. Parvenu au banc de Terre-Neuve, ce navire assailli par une tempête violente, fut entièrement désemparé. Il navigue ainsi entre deux eaux, à la merci des flots, jusqu’en vue des côtes d’Irlande où il fut abandonné par son équipage qui gagna la côte. Le bâtiment était alors sans mât de misaine, ce mât avait été cassé au ras du pont. Son grand mât de hune avait été enlevé ainsi que toutes ses voiles. Le gouvernail avait aussi été enlevé et le navire était plein d’eau. Dans la nuit du 30 janvier, le GRACE MAC EVA vint échouer sur le récif nommé Karreg Crom, à l’entrée de la baie du Koréjou. Il en fut enlevé et conduit au Koréjou par les soins de Monsieur l’administrateur de la marine de Roscoff, qui s’était rendu sur les lieux le lendemain de l’échouage, auquel Mr le Syndic des gens de mer de Plouguerneau a donné les premiers soins et la plus constante surveillance pendant tout le temps de son séjour au Koréjou. M Rapibert, maître attaché à la Direction du port, fut envoyé sur les lieux avec la gabarre le MAUPRAT et un détachement de gabiers du port et a puissamment contribué par ses soins et son zèle, au sauvetage de cette cargaison, car le navire est hors d’état d’être réparé. Il a cintré la coque avec des câbles et a mis un gouvernail provisoire. Le samedi 11 courant, le COCK O’THE NORTH, vapeur du commerce anglais, de la force de 120 chevaux, est arrivé à l’Aber-Wrac’h pour conduire le navire en Angleterre. Le dimanche, s’étant rendu dans la baie du Koréjou, ce vapeur prit à sa remorque le GRACE MAC EVA et à 2 heures de l’après-midi, fit route. Une dépêche télégraphique, datée de Londres à 11heures 20 minutes samedi, annonce l’arrivée du GRACE MAC EVA devant Plymouth le 17 mars ». (l’Océan du 20 mars 1854 et BB-681 Vincennes).
Le naufrage du navire n’a rien de spectaculaire. Véritable vaisseau fantôme, déserté par son équipage, il vogue, seul au gré des vents et des courants, pour s’échouer au nord-est de Penn Enez. Le voilier est imposant. Le beau dessin, peut-être du correspondant du journal, Mr Barrélier, montre la position délicate du bateau et une chaloupe se dirigeant vers lui afin de faire des constations en vue de le sortir de sa fâcheuse situation. L’équipage n’est pas à bord et les affaires des marins, ni de pavillon ne sont retrouvés. Le correspondant pense que l’équipage a été sauvé par un autre navire. La situation décrite correspond donc à celle qui précède le sauvetage du GRACE MAC EVA. Il apparaît que les autorités françaises se sont démenées pour sortir le bateau des récifs de Karreg Cromm. Le spectaculaire de l’histoire c’est que le navire paraissait irréparable. Mais la ténacité de maître Rapibert, venu de Brest, et de son équipe, ainsi que le concours d’un vapeur anglais ont permis le rapatriement du trois-mâts en Angleterre.
Le navire dans sa fâcheuse position à Karreg Cromm, à l’est du Koréjou (extrait du The illustrated London News, du 11 mars 1854, sources René Ogor).