Notre-Dame du Grouaneg

Le Grouaneg offre un ensemble complet représentatif des enclos du Léon, avec une magnifique petite église. Ce patrimoine architectural est dans un style gothique constitué au fil des siècles, avec un porche sud richement orné, une statuaire où se détachent de beaux fleurons, des lambris peints, une sablière Renaissance, des vestiges de vitraux anciens et de magnifiques vitraux contemporains.

Les fondateurs sont les seigneurs de Coatquenan dont le manoir/château est situé à moins de 500 mètres. La nef, le chœur, ainsi qu’une première aile nord, sont construits « in extenso » au second tiers du XIVe siècle (1320-1370). Un réemploi du XIIIe siècle est probable pour le mur nord de la nef avec ses deux fenêtres profondément ébrasées. Au début du XVIe siècle (à partir de 1503), le seigneur de Bouteville, vicomte de Coatquenan mais aussi riche baron du Faouët (56), commandite le porche, double tout l’extérieur des murs en grand appareil (pierre de taille) et rajoute l’aile sud. Durant « l’âge d’or » de la Bretagne courant XVIe et XVIIe siècles, les gouverneurs successifs de la chapellenie embelliront le sanctuaire par de nombreux éléments ou décorations comme la fontaine et sa Vierge à l’Enfant, l’ossuaire, le maître-autel, la sablière ou encore de nombreuses statues.

Suite à son érection en paroisse le 12 novembre 1949, la chapelle devient « église ». Dès lors en 1953-1955, elle bénéficie d’une restauration importante, de la reconstruction de l’aile nord ruinée après la Révolution ainsi que de la réfection des vitraux par Max Ingrand.

L’enclos paroissial du Grouaneg rassemble tous les éléments de l’enclos typique du Bretagne : l’église gothique avec son beau porche sud du début XVIe, ici sans les apôtres, le mur d’enceinte avec sa porte solennelle et ses deux « pazenn » (échalier qu’il faut enjamber pour pénétrer sur l’enclos), un ossuaire, une croix de 1761 rapportée lors de la restauration et une fontaine. Le cimetière est désormais hors enclos, car déplacé vers l’est du bourg en 1838 en même temps que le calvaire d’origine du placître daté de 1505.

Le porche, sobre, grand gâble avec deux contreforts biais est d’une facture soignée. Les pinacles qui portent les armoiries des Bouteville, commanditaires, les deux lions en crossettes ainsi que l’archivolte à crochets sont en pierre de kersanton, éléments sombres qui tranchent sur la structure de granite. Un ossuaire d’attache, bâti après coup, est adossé au mur du porche côté ouest. Il comporte cinq piliers joliment taillés de style Renaissance (fin XVIe– début XVIIe)

L’église est dite en forme de Tau à chevet plat, avec un chœur légèrement saillant et deux ailes dissymétriques. Passé la porte du porche avec la réplique de la statue Notre Dame du Grouaneg, bas-relief du XVIIe siècle, une nef étroite et de taille modeste vous accueille. Elle est lambrissée en berceau brisé sur entraits et séparée du chœur par un puissant arc diaphragme quasiment en tiers-point orné de masques frustes. En avançant vers le chœur, la grande maîtresse vitre illumine le visiteur. Portée par quatre lancettes trilobées, la rosace est composée de deux couronnes de mouchettes avec des fleurs de lys très élégantes. Transition entregothiques rayonnant et flamboyant (milieu XVe siècle), elle rayonne en expansion vers l’infini et donne à l’église son caractère grandiose. Au-dessus de votre tête, deux apôtres aux visages puissamment charpentés, dans le style du XVIIe, sont peints sur les lambris, saint Barthélemy au sud et saint Simon au nord.

L’ensemble de la vitrerie est composé de treize vitraux, dont deux anciens, l’un avec des fragments du milieu XVe (fenêtre rectangulaire de l’aile nord) et l’autre avec une Crucifixion du second quart du XVIe siècle (dans la sacristie). Les onze autres baies ont des remplages d’origine. Elles sont toutes de taille et forme différentes, évoluant suivant les époques, allant du gothique simple pour les deux fenêtres nord de la nef, au gothique rayonnant dans celle de la fenêtre est de l’aile nordet ailleurs, au style flamboyant à lancettes avec ou sans redents. Leurs vitraux ont été réalisés en 1955, lors de la restauration de l’église, par le réputé maître-verrier Max Ingrand. L’église étant placée sous le vocable de Notre-Dame, l’artiste, négligeant la représentation directe de la Vierge, dessine les verrières en retenant onze invocations des litanies de Lorette pour réaliser la mise en lumière de l’église de la nouvelle paroisse. Les versets se lisent sur des phylactères présentés par des anges, accompagnés de motifs allégoriques : maison, miroir, étoile, sceptre et couronne pour la royauté, livre pour les apôtres, lys et hermines pour la virginité et la pureté de la Vierge. Viennent s’ajouter dans les réseaux, des étoiles et un monogramme avec la lettre (M) pour Marie et le triangle (Δ) pour la Trinité. L’ensemble de la vitrerie, avec ses couleurs, bleu (couleur habituelle de Marie) et jaune or (le rayonnement de la présence divine), confère au sanctuaire une atmosphère de piété et de recueillement.

Le chœur communique au nord par trois arcades délimitées par deux gros piliers octogonaux du XIVe siècle à chapiteaux creusés d’épais filets. Cette aile tombée en ruine après la Révolution a été reconstruite en 1953-1954 avec des matériaux provenant en partie des restes de la chapelle de Coatquenan, dont l’autel et la fenêtre nord qui date du début XVe siècle. Elle abrite la statue Notre-Dame du Grouaneg.

Au sud, le chœur s’ouvre sur la chapelle dite Saint Fiacre par deux arcades (début XVIe). Chapelle probable des nobles, les Le Nobletz de Kerodern, Le Moyne de Ranorgat, etc. y avaient prééminences et armoiries. Il faut y admirer la poutre médiane à engoulants avec des motifs végétaux mais surtout côté ouest la sablière Renaissance des années 1580, frise avec un décor continu de masques et de tiges feuillues. Elle est illustrée sur le mode de la métamorphose des formes et de l’unité des ordres, le végétal, l’animal et l’humain. En 1837, M. de Kerdanet voyait dans la saynète festive et satirique « un couple qui trinque et la truie qui tire la bonde d’un tonneau », une dénonciation de l’ivrognerie.

Notre-Dame du Grouaneg possède dix-neuf statues, dont dix sont inscrites aux Monuments historiques, représentant des œuvres de style et de matériaux divers, allant essentiellement du XIVe au XVIIe siècle.

Trois statues en pierre de kersanton trônent à l’extérieur : saint Fiacre (vers 1500) patron des jardiniers avec sa pelle, au-dessus de la porte d’entrée de l’aile sud, saint Matthieu l’évangéliste, vers 1550, au pignon ouest sous le clocher et une Vierge à l’Enfant au fond de la fontaine, du XVIe.

L’intérieur de l’église abrite plusieurs statues en bois polychrome : il ne faut pas rater dans l’aile sud, sainte Catherine d’Alexandrie tenant dans sa main la roue de son martyre, magnifique statue du XIVe, et sainte Barbe du XVe. Dans l’aile nord, saint Roch (XVIe) invoqué contre la peste et les épidémies, mérite aussi votre attention avec son ange et son chien, ainsi que saint Antoine Le Grand, statue datant du XVe siècle. Dans la nef, vous verrez sainte Thérèse de l’Enfant Jésus du XXe, saint Joseph et une Vierge de Mission statues en bois doré du XVIIe. Dans le chœur, deux anges céroféraires encadrent le tabernacle et un beau Christ en croix du XVIIe domine entre deux arcades.

L’édifice renferme trois autres statues en pierre de kersanton polychrome : dans la nef la Vierge de Pitié (Piéta), une des sculptures majeures de l’église datant du début XVe et dans l’aile sud, saint Alar le protecteur des chevaux, en tenue d’évêque, datant du XVIe. Il faut y ajouter dans une niche de l’aile nord, les vestiges, des années 1500, d’une Vierge à l’Enfant. Enfin, toujours dans cette aile nord, la majestueuse Vierge à l’Enfant, appelée Notre-Dame du Grouaneg. Groupe sculpté de la seconde moitié du XVe siècle, d’une grande qualité formelle et d’un intérêt exceptionnel, cette œuvre est d’un héritier de l’Atelier du Folgoët, création d’un maître consommé d’un de ces ateliers locaux de pierre de kersanton. On est ici en présence d’une Vierge à l’Enfant au livre. L’Enfant Jésus est debout, les pieds posés sur les genoux de sa mère et de surcroît, tenu par sa main droite. Surtout, il tient un livre ouvert, suivant dans les Ecritures le récit de la Rédemption dont il est le vecteur.

La fontaine de pèlerinage située dans l’enclos près de l’ossuaire, avec une Vierge à l’enfant dont la tête est cassée, est couverte d’un toit en bâtière, constitué de belles pierres de taille. Mais cette fontaine n’a pas de vertus spécifiques.

La fontaine de dévotion (1604), à qui on attribue des pouvoirs, n’est pas dans l’enclos mais se situe à 300 mètres au sud vers le village de Kerdidreun. Nommée couramment « Feunteun-ar-Gwelleat », elle est une « fontaine du mieux-être  et non une « fontaine de guérison ». Selon la légende, lorsqu’un enfant était malade, on y plongeait sa chemise. Si l’encolure surnageait, l’enfant devait guérir.

Marcel CASTEL


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