_An tern

Texte de Pierre Abjean avec l’aimable autorisation de ses enfants René et Marie-Pierre.

 » Anteren  » ?
 » Hanter-hent  » ?
ou  » An Tern « 

Un village riche en croix

Telles sont les différentes appelations que l’on entend au sujet de ce lieu dit, à l’extrémité de la commune, non loin des limites de Plouguerneau et de Guissény; la première de ces trois appelations figure sur les plus anciennes cartes I.G.N.F.(*) dites « cartes d’Etat-Major » au 1/50 000e qui datent de la fin du siècle dernier et dont la dernière édition révisée en 1930 comportait encore, malgré les corrections apportées, de nombreuses et criantes erreurs.
(*) I.G.N.F. Institut Géographique National, France

Que dire alors de la dernière édition de 1973 ? A l’échelle de 1/25 000e, elle pouvait être moins chargée et comporter plus de détails. Or c’est le contraire : pour éviter les surcharges des anciennes cartes, ils ont supprimé des villages, et déplacés d’autres, ils ont modifié des noms qu’ils ne comprenaient pas, et pour cause et c’est pourquoi le nom d’ANTEREN qui figurait sur las anciennes cartes est devenu sur les dernières éditions : HANTER-HENT. On peut se demander : à mi-chemin de quel endroit ? Comme le village se trouve à proximité de la voie romaine CARHAIX-PLOUGUERNEAU on pouvait supposer que le village se trouvait à mi-route de la borne milliaire romaine de Kerscao en Kernilis (borne avec inscription sur la route de Plouguerneau à Lesneven et d’un autre lieu important qui pourrait être le bourg actuel de Plouguerneau. Or il n’en est rien ; la borne romaine (actuellement au musée de Quimper) se trouve à 3150 mètres du village d’Antéren tandis que le bourg de Plouguerneau est distant de ce dernier village de 4250 mètres. On doit donc rechercher deux lieux-dits qui seraient à égale distance d’Antéren soit au nord et au sud soit encore à l’est comme à l’ouest. Question pratiquement insoluble ? Problème impossible à résoudre dans la mesure où aucune donnée sérieuse ne permet de le poser.

Il faut donc chercher autre chose… Sur l’importante voie romaine on trouve une croix qui, comme de nombreuses autres, est une croix de carrefour. Ce carrefour concerne la route qui va en direction de CARHAIX la route qui vient en direction de Plouguerneau et qui se poursuit sur St Cava d’une part et un embranchement se dirigeant vers Castel-al-lez (traduit par « poste fortifié » (castellum) de la bordure ou d’en haut (Lez ou Laez) du pays pagan.

On sait qu’à une époque très ancienne, les carrefours étaient mis sous la protection de déesses (BIVIA ou TRIVIA) qui apportaient aide aux passants. La religion nouvelle qui chassait ces divinités païennes, plaçait dans ces lieux de passage (routes et carrefours) soit le signe de la Rédemption soit une chapelle dédiée à un saint protecteur, pour bénir ces lieux encore objets de pratique païenne.

C’est donc à proximité d’un carrefour d’une certaine importance que s’est implanté le village d’Antéren. Or de temps immémorial, les habitants du lieu, aussi bien que ceux des environs prononcent ce nom de lieu-dit : ANTERN et si l’on préfère la forme bretonne, la plus logique : AN TERN en deux mots. Une citation d’Ovide, poète latin de la fin du Ier siècle, nous donnera la clé de l’énigme, la voici : IN TERNAS COMPITA SECTA VIAS, c’est-à-dire CARREFOUR QUI SE DIVISE EN TROIS ROUTES ; c’est ce qui est expliqué ci-dessus. C’est une solution à notre problème.


An Tern : le carrefour aux 3 routes – du Vè au VIIè s.
Plan original de Pierre Abjean

Généralement la désinence latine, à l’époque gallo-romaine a chuté et la partie objective de la citation sous-entendue a disparu ; il est resté IN TERN, qui à la suite d’une évolution de la langue latine parlée par les légionnaires romains et répétée par le peuple avec des habitudes qui ont cours encore aujourd’hui (le professeur de mathématique est le prof de math, celui de gymnastique devient le prof de gym), la préposition IN marquant avec l’accusatif latin (le complément direct du verbe) « La direction », « la distribution », se traduit en breton par E ou EN devant les voyelles consonnes d, n, t, en langue romane et en français par la préposition en, dans ; mais la prononciation équivaut phonétiquement à celle de l’article breton AN (le) qui a aujourd’hui prévalu dans l’écriture.

C’est donc bien d’AN TERN, c’est-à-dire du « carrefour à trois routes » qu’il s’agit, et non d’ANTEREN et encore moins d’HANTER-HENT. Il faut remarquer qu’en français beaucoup de gens prononcent le TERN.

Il reste à signaler que de nombreuses croix existent dans les parages, l’une d’entre elles, au milieu du village, placée sur une stèle gauloise.