LIEUX DE NAISSANCES DES PLOUGUERNEENS en 1876 et 1911
1 – La Commune de Plouguerneau
Au bord de la Manche, Plouguerneau est bordée par quarante-cinq kilomètres d’une côte escarpée et parfois dangereuse à la navigation.
A Plouguerneau, comme souvent dans les communes côtières du Léon, la campagne se compose d’une zone « Arvor » et d’une zone « Ménez ».
Pour Plouguerneau, l’Arvor couvre une bande de 1 à 2 km le long de la côte et le Ménez l’intérieur de la commune, le bourg étant le lien entre ces deux zones.
Pour Plouguerneau, les recensements disponibles sont ceux des années 1836 à 1911. Sur cette période, la population de la commune passe de 5 550 habitants en 1836 à 5 820 habitants en 1911 (avec un pic à plus de 6 200 habitants en 1851).
Cela représente une moyenne de 140 habitants au km2 mais pouvant aller jusqu’à 300 habitants au km2 dans la zone côtière.
2 – Qui est né hors de Plouguerneau
Le but de cet article est de référencer le nombre et le lieu de naissance des habitants nés sur une autre commune.
Pour cela, nous avons travaillé sur les recensements de 1876 et 1911 qui précisent le lieu de naissance des habitants.
On pourra voir que les non nés sur la commune sont principalement des agriculteurs, femmes à la ferme, journaliers, domestiques, … venant des communes limitrophes.
Le mariage est la principale raison de la venue de ces personnes nées hors de la commune.
Le seconde raison est à rechercher dans les métiers demandant des compétences n’existant pas sur la commune : Curé-Vicaires, Instituteurs, Gardiens de phare, Douaniers, … Dans ce cas, le lieu de naissance peut même se trouver hors du département.
Comme nous l’avons vu dans les articles précédents, Plouguerneau est une commune agricole.
Dans la seconde partie du XIXème siècle, une vue rapide de la population donnait:
- 80 % des hommes ont un métier en relation pour la terre : cultivateurs, journaliers, …
- 5 % ont un métier associé au monde paysan : meuniers, forgerons, …
- 5 % sont commerçants ou fonctionnaires.
- 10 % sont goémoniers ou pêcheurs.
Pour rappel, à l’époque, la commune se composait de 5 sections plus le Bourg :
Tréhénan ( secteur longeant L’Aber-Wrac’h de Perros à Prad-Paol )
Gorréploué ( secteur du Grouanec actuellement )
Trémeur ( secteur longeant la côte du Vougot à Creac’h-an-Avel )
Tréménac’h ( secteur de l’ancienne paroisse de Tréménac’h )
L’Armorique ( secteur de Lilia actuellement )
Dans la campagne, il y a environ :
- 200 Villages ou Hameaux
- Plus de 1100 Maisons d’habitation
3 – Plouguerneau, commune du Pays Pagan
3.1 – Bourg et hameaux (1)
L’impression que ressentait le plus vivement un voyageur visitant la Bretagne au XIXème siècle était celle d’isolement.
Venu d’un monde en pleine agitation, enfiévré de progrès, secoué par le développement du capitalisme et la prolétarisation des masses, il se trouvait soudain dans un pays hors du temps, laissé à l’écart par les grands courants d’échanges, et vivant en marge du continent auquel il était simplement accolé.
Il vous fallait traverser une immensité désolée de landes, d’ajoncs et de bruyères avant de vous perdre sous la frondaison touffue des îlots de bocage, véritables labyrinthes de haies et de talus plus hauts que vous, qui entouraient les hameaux.
Pendant la plus grande partie de l’année, ces hameaux étaient presque coupés du reste de l’univers, car l’eau qui stagnait dans les bas-fonds rendait certains chemins difficilement praticables.
Ainsi le paysan vivait-il confiné dans les étroites limites de sa ferme et de son voisinage.
Ce mode de peuplement est particulier à l’ouest. Dans presque toute la France, il est de règle que les habitations se regroupent au centre de la commune, autour de l’église et de la mairie. De là partent en étoile les routes qui conduisent aux champs.
La Bretagne, donc, en ce domaine se singularise. L’habitat y est si dispersé que la population éparse représente, dans les communes rurales, le triple ou le quadruple de la population du Bourg.
Cet éparpillement de l’habitat est la forme la plus naturelle du peuplement. Il permet un minimum de vie collective, tout en laissant le paysan au milieu de ses champs. Mais dans la plus grande partie de l’Europe occidentale cela n’est pas possible, car les points d’eau sont trop clairsemés. Dans le massif Armoricain, par contre, l’eau est partout. Où que l’on s’installe, on est à peu près assuré de pouvoir creuser un puits ou de trouver, non loin, une fontaine ou une rivière.
L’un des hameaux dont est formé la commune n’en est le chef-lieu que parce qu’il possède l’église paroissiale. Et ce chef-lieu n’est pas forcement le hameau le plus important au XIXème siècle. Le chef-lieu, qu’on appelle le « bourg », n’a pas de nom.
C’est au bourg, bien sûr, que l’on trouve le médecin et le notaire, mais sont-ce là des gens à qui le paysan a affaire tous les jours ? Souvent difficile à atteindre, le bourg, avec son presbytère, sa demi-douzaine de maisons et ses trois ou quatre fermes, ne peut être un centre d’attraction pour les habitants des hameaux écartés, sauf le dimanche, où la grand-messe les rassemble, et les jours de foire ou de marché.
En fait, le paysan vit essentiellement sur sa ferme et n’a que peu de raisons de sortir des limites de son village. Il consomme les produits de sa propre exploitation, cuit son pain, a du lard dans son saloir ; il répare lui-même et souvent fabrique ses outils ; il fait venir le tailleur à domicile. Il lui suffit donc de s’approvisionner, de temps à autre, au bourg, en sel, tabac, mercerie, quincaillerie. Il le fait généralement le dimanche, après la grand-messe.
3.2 – L’exode rurale (2)
Dans le Léon, la population rurale croît de 7 % au cours du XIXème siècle. Du fait de la mécanisation de l’agriculture, ce qui tend à libérer des bras, toutes les campagnes du Léon sont dans un état de surpeuplement dans la deuxième partie du XIXème siècle.
Ce surpeuplement des campagnes entraîne un important exode rural. C’est ainsi, par exemple, que Plounevez-Lochrist (4 400 habitants en 1872) perd, en moyenne, 14 éléments par an entre 1846 et 1886 et Plouider (3 080 habitants en 1872), 34 éléments par an.
Les léonards de la campagne gagnent, en grand nombre, les villes les plus proches de leur domicile.
En 1911, 56 % de 8 250 habitants de Landerneau sont nés hors de la ville, et près de la moitié d’entre eux, soit 2 300, y sont arrivés de moins de 15 kilomètres. S’agissant de Brest, le recensement de 1911 révèle que près de 59 % des habitants sont nés hors de la ville, soit 53 400. Sur ce nombre, 35 %, soit 18 700, viennent du Léon, dont 71 % du Bas-Léon. Relevons enfin que la commune alors indépendante de Lambézellec (19 320 habitants en 1911) attire surtout des léonards. En 1911, sur les 51,5 % nés à l’extérieur, le trois quarts viennent du Léon, dont 85 % du Bas-Léon.
Les migrants léonards sont d’origine très modeste. Ce sont des journaliers, des domestiques, des petits paysans, des petits commerçants, des petits artisans … Ce n’est pas de gaieté de cœur qu’ils quittent leur terre natale. Ces partants ont été peu scolarisés, ne sont guère familiarisés avec la langue française et manquent de qualification professionnelle.
3.3 – Plouguerneau, commune du Pays Pagan (3)
Éditée sous la direction de Paul Guérin, le Dictionnaire des Dictionnaires donne de la Paganie cette définition : « Région de la côte nord du Finistère dont les habitants vivent isolés et sans relation avec le reste du monde ».
Un double pourcentage établi à partir du recensement de 1911 donne quelque crédit à cette appréciation : plus de 90 % des habitants du Pays Pagan étaient nés dans leur commune de résidence, ce taux n’étant que d’environ 70% dès lors que l’on s’éloigne de ce territoire. Détail plus surprenant : dans les zones littorales paganes, le taux des non-natifs de la commune de résidence ne dépasse pas les 3%.
A l’époque de son maximum de population, la Paganie comptait 16 776 habitants, soit 154 habitants au km2 : on a là une forte densité. La même année, la densité moyenne de la population rurale du Léon était de 86, celle de la totalité du Finistère de 75. En ce milieu du XIXème siècle, la population pagane représentait près de 10% de la population rurale du Léon. Aujourd’hui, ce taux est de 12,3%.
Les CHAPITRES 4 et 5 (détail de l’article) sont à lire au format pdf sur CALAMEO en cliquant ICI.
4 – Recensement de 1876
5 – Recensement de 1911
6 – Conclusion
6.1 – La Population née hors de Plouguerneau
En 1876, 8% des habitants de 16 ans et plus étaient nés hors de la Commune. En 1911, 6,40%.
La moyenne pour les autres communes du Pays Pagan était estimée à environ 10%.
6.2 – La Population née hors de Plouguerneau par secteur
La première conclusion est que la commune de Plouguerneau pouvait se découper en 3 parties :
1 – Gorréploué ( secteur du Grouanec actuellement ) et le Bourg où la population née hors de Plouguerneau dépassait 12 %.
2 – Tréhénan et Trémeur où la population née hors de Plouguerneau se situe entre 6 % à 9 %.
3 – L’Armorique et Tréménac’h où la population née hors de Plouguerneau est inférieure à 3%.
Ces chiffres représentent une moyenne pour les deux recensements de 1876 et 1911.
Chose normale, ce sont les secteurs voisins des autres communes limitrophes (hors le Bourg) où la population née hors de Plouguerneau est la plus nombreuse et principalement Gorréploué proche de Kernilis et de Guissény.
Si l’on ne prend que les chiffres du recensement de 1911, le découpage en 3 parties est toujours présent, mais hors Tréhénan, le nombre de personnes nées hors de Plouguerneau diminue :
- 1 – Bourg : de 14,50 % à 13,60%
- 2 – Tréhénan : de 8,00 % à 8,50%
- 3 – Gorréploué : de 18,60% à 12,50%
- 4 – Trémeur : de 7% à 5,60%
- 5 – L’Armorique : de 2,50% à 1,50%
- 6 – Tréménac’h : de 1,50% à 0,70%
Il semble donc qu’en 25 ans, plutôt que de s’élargir, la communauté se soit plutôt repliée sur elle même.
6.3 – Lieu de naissance par Communes
En 1876, 4 communes dépassent les 5 % :
- 1 – Guissény : 28 %
- 2 – Kernilis : 8,5 %
- 3 – Kerlouan : 8 %
- 4 – Lannilis : 6 %
Cela représente environ 50 % sur un total de 476 personnes nées hors de Plouguerneau.
7 personnes sont nées hors du département du Finistère. Cela représente 1,5%.
En 1911, 4 communes dépassent toujours les 5 % :
- 1 – Guissény : 25 %
- 2 – Lannilis : 11 %
- 3 – Kerlouan : 7 %
- 4 – Kernilis : 7 %
Cela représente toujours environ 50 % sur un total de 370 personnes nées hors de Plouguerneau.
12 personnes sont nées hors du département du Finistère. Cela représente 3 %.
Peu de changement, sauf peut-être plus d’échange avec Lannilis.
6.4 – Les 3 premiers métiers des personnes nées hors de la Commune
6.4.1 – Pour le Bourg :
- Hommes
- 1876 : Sur un Total de : 54 (Douaniers : 6 – Frères-Instituteurs : 5 – Curés-Vicaires : 5)
- 1911 : Sur un Total de : 59 (Frères-Instituteurs : 5 – Curés-Vicaires : 5 – Cultivateurs : 4)
- Femmes
- 1876 : Sur un Total de : 52 (Domestiques : 10 – Femmes au Foyer : 8 – Bonnes Soeurs : 5)
- 1911 : Sur un Total de : 64 (Femmes au Foyer : 19 – Couturières : 8 – Institutrices : 5)
6.4.2 – Pour la Menez (Tréhénan, Gorréploué et Trémeur) :
- Hommes
- 1876 : Sur un Total de : 137 (Cultivateurs : 94 – Domestiques : 26 – Journaliers : 17) – Donc environ de 80 % des hommes nés hors de Plouguerneau
- 1911 : Sur un Total de : 107 (Cultivateurs : 80 – Domestiques : 7) – Donc plus de 81 % des hommes nés hors de Plouguerneau
- Femmes
- 1876 : Sur un Total de: 156 (A la Ferme : 106 – Domestiques : 16 – Journalières : 10) – Donc environ 84 % des femmes nées hors de Plouguerneau
- 1911 : Sur un Total de : 113 (A la Ferme : 75 – Domestiques : 10 – Au Foyer : 2) – Donc plus de 75 % des femmes nées hors de Plouguerneau
6.4.3 – Pour l’Arvor (L’Armorique et Tréménac’h) :
- Hommes
- 1876 : Sur un Total de : 24 (Cultivateurs : 10 – Journaliers : 4 – Domestiques : 4) – Donc plus de 75 % des hommes nés hors de Plouguerneau
- 1911 : Sur un Total de : 13 (Cultivateurs : 6 – Domestiques : 2 – Instituteur : 1)
- Femmes
- 1876 : Sur un Total de : 22 (A la ferme : 12 – De Goémonier: 3 – Au Foyer : 2) – Donc plus de 77 % des femmes nées hors de Plouguerneau
- 1911 : Sur un Total de : 14 (A la Ferme : 7 – de Gardien de phare : 2 – d’Instituteur : 1)
On peut dire, en conclusion, que ce sont principalement les populations associées au monde agricole qui sont nées hors de la commune (exception du bourg).
Annexe – Bibliographie
– (1) YANN BREKILIEN – Les Paysans Bretons au XIXème Siècle – Hachette ( 1994 )
– (2) LOUIS ELEGOET – Le Léon – Ed. Palantines ( 2007 )
– (3) LOUIS ELEGOET – Le Pays Pagan – Editions Palentines (2012)