MOULINS ET MEUNIERS AU TRAON EN PLOUGUERNEAU
Durant l’Ancien Régime et au moins jusqu’à 1850, pour l’ensemble de la population, le moulin est une nécessité vitale ; la nourriture est presque essentiellement constituée de mets à base de farines. Les meuniers, s’ils ne comptent que pour 2,5% de la population active au XVIIIème et au début du XIXème siècle(1), occupent une place très importante dans la société rurale de l’époque.
A Quimper, le 15 avril 1832, le directeur des contributions directes signe la page de garde de la matrice cadastrale pour Plouguerneau. C’est un récapitulatif sommaire mais instructif de l’activité économique de la commune, contemporaine de la levée du cadastre napoléonien débutée vers 1811. Pour la vaste commune de Plouguerneau, elle ne sera finalisée qu’en 1841 et on ne peut douter que l’opération mobilisa des ressources conséquentes car il fallut arpenter près de 20000 parcelles(2), évaluer des milliers de constructions, mesurer précisément le cheminement des voies de communication et des cours d’eau avec des moyens que, de nos jours, nous pourrions considérer comme rudimentaires.
En 1832, pour les propriétés bâties, on obtint comme résultat :
Trois décennies auparavant, le 15 nivôse an VIII (5 janvier 1800), Jean Uguen, agent des contributions du canton de Plouguerneau qui comprend les communes de Plouguerneau, Guissény et Saint-Frégant, avait adressé au directoire de la circonscription la liste des assujettis à la patente. Pour Plouguerneau, la liste comprend 65 citoyens : 44 commerçants et artisans, 18 meuniers et 3 experts, sans doute aussi cultivateurs. Ces derniers sont imposés pour 4 francs chacun. La base d’imposition globale des 44 commerçants est de 370 francs et ils acquittent un total de 320 francs.
Jean-François Salaun, notaire au Bourg, est imposé pour 20 francs et son impôt est de 22 francs ! Pour les 18 meuniers, la base d’imposition est évaluée à 1965 francs et ils paient moins de 300 francs de taxes, ce qui, proportionnellement, les privilégient par rapport à leurs compatriotes, car ils bénéficient sans doute d’un barème plus avantageux.
1 – Les meuniers de l’an VIII à Plouguerneau
Pierre Mingam | Diouris | ||
Claude Corre | Coatquénan | ||
Yves Cardinal | Kervérec | ||
Jean Le Hir | Val (Kernéac’h-Gwikerné) | ||
Yves Marec | Val (Lesmel) | ||
Marguerite Eliès (Vve François Lilès) | Val (Traon) | ||
Hervé Monot | Kerili | ||
Sébastien Corre | Ranorgat | ||
Jean Berthouloux | Zorn | ||
Goulven Tanguy | Val (Kerouartz) | ||
Marie Branellec | La Rive (An Aod) | ||
François Le Roux | L’Etang (Stang ou Kergaëlé) | ||
Noël Guéguen | Val (Traon) | ||
Goulven Calvez | Moulin du Grouanec | ||
Jean Trébaol | Carbon (Le Carpont) | ||
Jaoua Le Roux | Moulin de La Martyre | ||
Goulven Bosseur, dit Tobi | La Martyre | ||
Yves Bozec | Grand Moulin de Kelerven |
Les résultats confirment une fois de plus l’importance des meuniers dans la société restée dans une énorme proportion presque totalement rurale en cette première moitié du XIXème siècle.
Au Traon, souvent dit Le Val dans les documents, une dizaine de moulins coexistent et leurs roues tournent grâce à un réseau de petits canaux et d’étangs. Jusqu’au début du XXème siècle, malgré la modestie des ressources de certains établissements comparées à celle de l’imposant moulin du Diouris, ce village du Traon fut un pôle d’activité économique, probablement le plus important de la commune de Plouguerneau.
Le modeste ruisseau s’est grossi de plusieurs affluents venant de sources situées vers Santez Anna, Kéroudern, Guéléran, Hellès… quand il traverse le hameau du Carpont. Il passe ensuite sous l’ancien moulin de Kergaëlé dit du Stang avant de passer dans le village du Traon. Finalement, il se jette dans l’estuaire de l’aber Wrac’h au pied de la chaussée de Milin an Aod située à la limite du domaine maritime.
2 – Le moulin de Kergaëlé
Situé à 1000 mètres en aval du Carpont, et parfois cité comme dit vulgairement le moulin du Stang dans certains documents, ce moulin compte parmi les plus importants de la commune de Plouguerneau.
La dame de Kergaëlé meurt à Lesneven le 27 juin 1791. Les privilèges seigneuriaux ayant été abolis par la Révolution en 1789, il est possible que le domaine fut acquis par la famille Abjean après le décès de la dite noble propriétaire.
A l’aube du XIXème siècle, le meunier exploitant le moulin du Stang est François Le Roux. Le 15 nivôse an VIII (5 janvier 1800), il est redevable d’une patente de 13 francs, proportionnelle aux 80 francs par an que rapporte le moulin.
En 1841, ses machines sont mues par l’eau d’un vaste étang de 1672 m² et, suivant la matrice cadastrale, il est déclaré rapporter annuellement 107 francs.
Cette année-là, ce moulin est la propriété d’une certaine Anne Abjean demeurant à Quimper. Elle est fille de Louis Abjean et de Marie-Jeanne Jacopin qui s’établirent à la ferme-manoir de Kergaëlé vers 1794, peut-être après leur mariage célébré le 9 ventôse an II. Elle en a sans doute hérité et elle est probablement religieuse dans un des nombreux couvents du chef-lieu épiscopal.
En 1841, le frère de la propriétaire de l’établissement, François-Marie Abjean marié en 1837 à Marie-Yvonne Cabon, cultive le domaine agricole de Kergaëlé.
Le moulin est tenu par Jean-Marie Abiven, né à Kerferré-Vihan en 1784. Le 8 novembre 1814, il s’est marié à Plouguerneau avec Marie-Josèphe Crenn, originaire de Lannilis. Jean-Marie Abiven s’établit d’abord au Passage, où il est dit cultivateur. Peut-être a-t-il pris, aussi, la succession comme passeur de son beau-père posthume François Crenn décédé le 9 janvier 1811 ?
Le jeune couple ne reste que peu de temps au Passage où naît François, leur premier enfant, le 30 avril 1815. A la naissance de Gabriel, leur second fils, le 2 décembre 1816, ils sont meuniers au moulin du Stang. Ils y resteront longtemps !
Jean-Marie Abiven a 62 ans en 1846. Il exploite toujours le moulin secondé par son épouse et son fils aîné, François. Vivent aussi au moulin cinq de leurs enfants âgés de 17 à 9 ans. D’autres, ont atteint l’âge pour travailler à l’extérieur et sont certainement placés comme domestiques, comme Gabriel, 30 ans.
Mais, peu à peu, Jean-Marie Abiven et sa femme, subissent l’outrage des ans ; ils se retirent au bourg de Plouguerneau et y subsistent comme journaliers. Jean-Marie meurt le 20 octobre 1854 et Marie-Josèphe Crenn le suit dans la tombe moins de deux ans plus tard, le 24 juin 1856.
En 1851, François Olier originaire du moulin de Penfeunteuniou en Sibiril et demeurant au moulin de Ranorgat au moment de son mariage le 24 juillet 1847 avec Marguerite Floch, meunière au Traon, a pris la succession de la famille Abiven et emploie deux domestiques. Le couple Olier ne reste que peu de temps au Stang, peut-être un bail de neuf ans.
En 1856, Gabriel Abiven, fils cadet de Jean-Marie, marié à Anne Pennarguéar native de Brendaouez en Guissény, les ont remplacés. Les deux meuniers, qui sont qualifiés de boiteux et d’indigents par l’agent recenseur, élèvent six enfants âgés de 14 à 2 ans. Mais Gabriel décède prématurément le 30 août 1856. Sa veuve le remplace sans doute au moulin.
En 1859, Louis Francès, originaire du moulin de Kerneac’h-Gwikerne, et sa jeune femme, Marie-Anne Le Saout épousée le 27 septembre 1856 à Plouider, sont venus s’établir au Stang. Leur fils cadet, Jean, y naît le 18 juin. Cette famille Francès exploitera le moulin durant plus de trente ans. Yves Francès, né au moulin de Kerneac’h-Gwikerne le 29 avril 1857, remplacera son père. Marié à Marie Charreteur, il est le chef de l’exploitation lors du recensement de 1891.
Mais le métier connaît la décadence ! En 1896, Yves Francès est devenu cultivateur, rue de Croas-Boulic au bourg de Plouguerneau. Au Stang, ne vivent plus que Jean-Marie Didou, 63 ans, retraité, sa femme Marie-Renée Salaun, 33 ans, et leurs trois enfants âgés de 14 à 11 ans. L’activité du moulin a cessé.
Cependant, le 6 juillet 1896, François Calvez, originaire du moulin du Diouris, qui vient d’épouser Marie-Yvonne Lilès du moulin de Lesmel le 27 juin, signe le procès-verbal de description et d’estimation de tous les objets mécaniques, ustensiles et accessoires contenus dans les moulins de Kergaëlé situés au Stang. Un renable traditionnel pour la meunerie !
L’opération est effectuée par Jean-Marie Loaëc, expert au bourg de Plouguerneau, amiablement choisi et agréé par les propriétaires et les futurs fermiers entrant au moulin à compter de la Saint-Michel de 1896. Ces derniers espèrent probablement relancer l’activité de milin ar Stang. Les propriétaires sont Louis Abjean et sa femme Marie-Yvonne Cabon de Kervérec, et Marie-Yvonne Cabon, veuve de François-Marie Abjean, de Kergaëlé, et ses héritiers.
Le document nous apprend que la machinerie du moulin est composée de quatre paires de meules dans quatre maisons à moulin différentes : l’ancien moulin dit milin-coz, le moulin d’avoine ou milin ar c’herc’h, le petit moulin au nord, moulin de blé noir ou de gwiniz-du, et, enfin, le petit moulin du midi ou moulin à froment qui semble-t-il n’existait pas en 1841. L’équipement du tout est estimé pour une valeur de 607 francs. Milin-Coz existait peut-être déjà deux siècles auparavant, lorsque naquit Marie Jan, fille de Jean et de Françoise Le Roux qui demeurent au moulin du Stang quand leur fille est baptisée en l’église de Plouguerneau le 14 mars 1701.
De nos jours, une maison d’habitation a remplacé milin ar Stang !
3 – Les moulins du Val
S’il est un exercice difficile, c’est bien l’exploitation des sources écrites fiables quant aux moulins situés dans le village du Traon souvent appelé Le Val dans beaucoup de documents, peut-être par un certain souci de francisation du toponyme !
En effet, au dit Val du Traon, une série de moulins utilisent l’eau du ruisseau venant d’Enescadec. La plupart sont des moulins modestes à cause de la superficie et de la faible profondeur des étangs. Ceci implique une nécessité d’arrangements et d’une bonne entente entre les meuniers pour que les étangs puissent se remplir après l’utilisation de leurs volumes d’eau.
Suivant les documents cadastraux de 1841, le site compte huit exploitations meunières. Deux d’entre elles, Kerneac’h-Gwikerne et Lesmel, comportent deux maisons-moulins. En 1896, il semble qu’il n’y ait plus qu’un total de trois moulins et un seul vers 1930. Celui-ci sera reconstruit comme minoterie en 1935 et survivra jusqu’à 1993 !
Le premier, situé immédiatement en aval de milin Kergaëlé, est nommé milin An Traon. Il est alimenté par un étang de 1282 m2. Son propriétaire est Jean Cabon de Kergasken et il est déclaré procurer un rapport annuel de 50 francs en 1842. Jean Cabon marié à Marie-Jeanne Guiavarch exploite l’une des deux fermes-manoirs de Kergasken assisté de sept de leurs enfants âgés de 8 à 21 ans. Le chef d’exploitation décédera le 14 juillet 1843. En 1856, deux de ses enfants, Jean-Marie et Marie-Françoise convoleront avec Marie-Françoise et Jean Le Hir, fille et fils d’Hervé Le Hir et de Marie Trébaol demeurant au beau moulin de Carman en Kernilis.
En 1882, le propriétaire est devenu François Bozec né au moulin de Kériber en Plouvien en 1818, et meunier à Carman au moins jusqu’à 1857. Il a épousé Madeleine Nédélec, originaire de Kerdélant, en 1843. François est petit-fils de Yves Bozec, né à Kerlaguen en Landunvez en 1753, et de Louise Donnou de Lannilis mariés à Plouguerneau le 10 avril 1779.
En 1887, le moulin a cessé son activité et est acheté par Yves Potin, cabaretier au bourg de Plouguerneau. Il le transforme en un bâtiment rural qui sera démoli en 1900.
Le second moulin, que la matrice cadastrale dénomme aussi milin An Traon est situé dans le village, à proximité de la chapelle. Les accès qui mènent du bourg de Plouguerneau vers la cale du Passage, pour prendre ce que nous appellerions aujourd’hui un bac pour traverser l’Aber Wrac’h et joindre le bourg de Lannilis, empruntent la chaussée de son étang pour passer à proximité de la chapelle et du cimetière. L’un des chemins monte ensuite vers Kernéac’h-an-Traon, Croaz-al-Lannigou, et Derbez, en prenant à droite ou Lézerdot, Prat-Paul et Pont Krach vers la gauche. L’autre, un raccourci sans doute en plus mauvais état, longe la vallée, passe devant Coat-Kérivin et aboutit au Passage en suivant approximativement le tracé de la grand-route actuelle.
En 1841, le propriétaire de ce moulin est François Cabon de Kerferré-Vras. Malgré sa réserve d’eau beaucoup moins importante que celle de l’autre milin an Traon, il dégage un rapport supérieur évalué à 67 francs. Ceci est sans doute dû à un meilleur emplacement, et à un accès plus aisé pour les cultivateurs car il est situé au bord d’un chemin de grande circulation.
Ce revenu décroît cependant rapidement car il n’est plus estimé qu’à 40 francs en 1882. La cause de cette décadence peut être la transformation du réseau routier due à la construction du premier pont de Paluden. La voie de grande circulation évoluera plus tard vers la route départementale n° 13.
Déjà, vers 1890, Jean Fourdilis, un équarrisseur originaire de Plounévez-Lochrist, était venu s’y installer. L’abondance de l’eau et l’ancienne installation motrice du moulin, lui permit de démarrer une activité de tannage de peaux qui semble avoir perduré au-delà de 1906.
3.2 – Les moulins de Kerneac’h-Gwikerne
Le moulin en aval de milin an Traon, précédemment cité, est identifié comme milin Kerneac’h-Gwikerne sur le cadastre napoléonien.
D’après la matrice cadastrale, le site comprend deux moulins numérotés I-652 et I-656. Ils sont alimentés par un même étang de 752 m2.
Durant l’Ancien Régime l’un de ces moulins dépendait certainement du domaine de Guiquerneau ou Gwikerne dont le manoir devait se situer à l’emplacement de l’actuelle ferme abandonnée du Colombier, du nom du colombier visible sur le cadastre napoléonien. Les seigneurs de Guiquerneau, écuyers, sont présents à Plouguerneau avant 1557. Les actes paroissiaux témoignent qu’ils demeurèrent dans la paroisse au moins jusqu’à 1746. Marguerite née le 31 décembre 1746, fille du Chevalier Yves – Alexis Bihannic de Guiquerneau et de Marie-Gabrielle du Trévou, fut en effet baptisée en l’église de Plouguerneau le 3 janvier 1747. La famille émigra ensuite vers le manoir de Troménec en Landéda, où naquirent au moins quinze de leurs dix-sept enfants. L’un d’eux, Anne–Claude né à Landéda le 28 juin 1750, fut fusillé le 16 thermidor an III (3 août 1795) après l’échec du débarquement de Quiberon(4).
A la fin de la première moitié du XIXème siècle, les deux moulins sont propriétés d’Hervé Le Hir, meunier à Carman en Kernilis.
Hervé le Hir est né au moulin de Kerili, en la paroisse de Plouguerneau, le 8 mars 1773. Fils de Christophe Le Hir et de Catherine Floch, elle-même issue d’une famille de meuniers du Val, il épouse Marie-Françoise Trébaol le 25 novembre 1806 à Plouguerneau. La jeune mariée, âgée de 15 ans, est née au moulin du Carpont en 1791. Le couple s’établit bientôt au beau moulin de Carman et de leur union naquirent onze enfants dont les garçons essaimèrent dans la meunerie à Kernilis, Guissény, Kerlouan et Plouguerneau, quelques décennies plus tard…
Hervé Le Hir et sa femme passèrent le reste de leur vie à Carman ; Hervé y décéda le 4 décembre 1845 et sa femme 10 ans plus tard.
En 1841, Marie Queffurus, 58 ans, dirige le moulin de Kerneac’h-Gwikerne. Elle est veuve de Jean-Marie Francès décédé le 3 octobre 1836. Le défunt était fils de Charles et de Catherine Floch et demi-frère du propriétaire Hervé Le Hir. Marie exploite le moulin aidée de ses enfants : Jean (28 ans), Laurent (26 ans), Marie-Anne, dite Annette, (21 ans) et Louis Francès (17 ans). La famille Francès, précédemment établie au Carpont, occupe Kerneac’h-Gwikerne depuis 1821.
Le 7 février 1848, Laurent Francès, né au moulin du Carpont le 18 août 1815, épouse Marie-Renée Jézéquel, originaire de Plouguin et demeurant à Gouesnou. Le jeune couple s’installe à Kerneac’h-Gwikerne, où Laurent remplace sa mère comme chef d’exploitation. Leur fils aîné, Jacques, naît le 18 février 1849. Vers 1853, Laurent et sa famille quittent le moulin et s’établissent à Kernévez-Loguivy comme cultivateurs, s’étant sans doute retrouvés sans-emploi et sans-logis au Traon, à une époque où les conditions de vie des locataires pouvaient être bien précaires. On tombe peu à peu dans l’indigence !
Le 29 avril 1857 y naît Yves, leur premier fils. Le couple s’établit ensuite au moulin du Stang, où Jean Francès leur deuxième enfant voit le jour en 1859.
En 1861, Laurent est de retour au Traon, comme meunier à Kerneac’h-Gwikerne. Il y décède le 21 février 1875 et Marie-Renée Jézéquel, sa femme, prend sa succession comme chef d’exploitation du moulin.
En 1846, Louis Lilès était devenu meunier au deuxième moulin dit de Kerneac’h-Gwikerne, situé en aval du précédent sur le cadastre napoléonien. Mais on peut douter de ce toponyme pour diverses raisons : en effet, ce moulin semble correspondre à celui qui fut maintes fois identifié comme le moulin de Kergonvel. Louis Lilès est veuf depuis 1828 de Marie-Françoise le Hir, nièce d’Hervé, le meunier de Carman. Il est fils de Guillaume Lilès, né au moulin du Châtel en Plouvien en 1771 et d’Anne Bolloré, née au moulin de La Martyre en Plouguerneau en 1778, établis au Traon au moulin dit de Kergonvel depuis au moins 1821, et probablement 1799. En plus des actes d’état-civil, le toponyme apparaît à maintes reprises dans divers documents antérieurs à 1830, comme le procès-verbal de la vente comme bien national du domaine de Kergonvel.
Le 1er thermidor an IV (19 juillet 1796), le citoyen Borgnis-Desbordes, père, négociant à Brest achète aux enchères Kergonvel et toutes ses dépendances, biens confisqués par la Nation à l’émigré Kerguiziau-Kervasdoué. Il s’agit sans doute de Charles de Kerguiziau de Kervasdoué colonel dans l’armée des Chouans et fusillé le 16 thermidor an III (5 août 1795) après l’échec du débarquement de Quiberon et sa capture par l’armée républicaine(5) .
Le moulin de Kergonvel dit situé au Traon, est affermé à Marguerite Eliès. Son revenu annuel est estimé à 104 livres. Avec ses dépendances, il figure parmi les achats du négociant brestois qui l’acquiert pour 2095 livres. L’acte de vente indique que le moulin est affermé par bail, que l’on n’a pu se procurer, depuis 1790. Le nom du meunier nous restera donc inconnu, mais il s’agit probablement de Marguerite Eliès, veuve de François Lilès décédé au Traon le 17 janvier 1792, et mère de Guillaume. La meunière figure parmi la liste des assujettis à la patente du canton de Plouguerneau le 15 nivôse an VIII sur une base de revenus de 120 francs annuels, ce qui la place à un rang très honorable parmi les « redevables ». Il est vrai qu’elle cumule son activité de meunière avec celle d’aubergiste au bourg de Plouguerneau !
Claude Floch et Marie-Jeanne Lilès engendrèrent au moins six enfants qui tous voient le jour au dit moulin de Kerneac’h-Gwikerne, jusqu’au décès prématuré du meunier en 1856 à l’âge de 34 ans.
Mais la crise sévit de plus en plus dans la petite meunerie et Guillaume Le Gall devra s’installer au bourg de Plouguerneau. Il y subsiste comme journalier jusqu’à son décès en 1877, à l’âge de 49 ans. Le moulin de Kerneac’h-Gwikerne, possédé par Marie-Jeanne Lilès ou l’un de ses héritiers est démoli en 1901.
Quant à l’ancien moulin de Kergonvel, le propriétaire est devenu Paul Monot, notaire à Plounévez-Lochrist. Sa fille Marie, en religion Sœur Saint Raphaël, en hérite en 1886.
Le moulin a-t-il déjà cessé son activité ? En tous cas, le bâtiment est agrandi et transformé en maison en 1889.
Yves Calvez, cultivateur de Kernéac’h-an-Traon l’achètera en 1906. Ce fait est peut-être la cause que, de nos jours, la bâtisse figure sur le cadastre sous le nom de milin Kerneac’h an Traon.
3.3 – Le moulin de Lanvaon, Milin Lanvaon
Jusqu’à son décès en 2014, René Calvez demeura dans les murs de l’ancien milin Lanvaon.
Ses grands-parents en avaient pris possession en 1914 pour 4000 francs. Ils venaient de l’acheter à Jean-Louis Plantec cafetier à Brest et ancien sergent de l’Infanterie Coloniale. Ce dernier ne posséda le moulin que durant trois ans car il l’avait acquis en 1911 de Jean-Pierre Cabon demeurant à Cruquerrou, petit-fils et lointain héritier de François Cabon de Kerferré-Vras, propriétaire en 1841.
En cette année 1841, la matrice cadastrale révèle que le moulin procure un revenu annuel de 83 francs et que l’eau motrice est fournie par un étang de 569 m2.
Suivant l’acte de vente de 1914, le domaine bâti est constitué d’une maison qui renferme aussi le moulin équipé d’un seul tournant. La bâtisse, d’une superficie au sol de 118 centiares, est couverte d’ardoises, comme les deux soues à porcs. Le tout est complété par une crèche couverte de chaume. Les constructions ont sans doute peu évolué depuis 1841, car la surface au sol de la maison-moulin est identique. La couverture en ardoises peut laisser penser que le moulin est de construction assez récente, sans doute inférieure à 150 ans.
Cette hypothèse est corroborée par les documents de l’état-civil de ses occupants. Le plus ancien que nous avons pu consulter et qui cite explicitement le moulin de Lanvaon ne date que de 1747 : il s’agit de l’acte de baptême de Yves Mingam, fils des meuniers Guillaume Mingam et de sa femme Guillemette Kervarrec, né au moulin le 22 février.
Le moulin de Lanvaon avait sans doute été bâti sur les présumées ruines d’un moulin beaucoup plus ancien dépendant du domaine du même nom dont diverses sources, que nous n’avons pu vérifier, attesteraient l’existence au début du XVIIème siècle. En effet, Hervé de Poulpiquet du Halgouët, devenu aussi de Lanvaon après son mariage en 1606 avec Jeanne, fille aînée et héritière de Bertrand et d’Adelice du Beaudiez, seigneur et dame de Lanvaon, est cité comme capitaine de Plouguerneau en 1625.
Les Bellour, qui furent fermiers de ce moulin de 1755 environ jusqu’au début des années 1780, eurent peut-être comme remplaçant Goulven Bosseur né au moulin du Grouanec le 7 février 1762.
Goulven se maria à Guissény avec Marie-Anne Tanguy le 25 janvier 1780.
La famille est d’abord domiciliée à Kerfréoc en Saint-Frégant, puis au moulin du Frout en Guissény.
En 1783, elle est établie au Val quand naît Guillaume qui deviendra meunier au Grand-Moulin. Elle y reste jusqu’à son départ pour le moulin de Faurbouchou. Après 1805, Goulven Bosseur revient s’établir au Traon, au moulin de Lanvaon, où Marie-Anne meurt le 22 juillet 1822 à l’âge de 63 ans.
Goulven se remarie à Ploudaniel en 1823 avec Marie-Jeanne Péron originaire de Plounéventer. Hervé, leur fils naquit au Val le 2 mai 1824. Guillaume, 40 ans, son demi-frère meunier au Grand-Moulin, situé à proximité de Créac’h-an-Avel, est cité comme témoin sur l’acte de naissance. On peut présumer que le couple Bosseur – Péron resta au moulin de Lanvaon jusqu’à 1829, puis partit vers Kernouès où Goulven décéda en 1833.
Yves Lescop, meunier originaire de Guilers, marié à Plouguerneau avec Marie-Anne Abiven du Bourg, s’est installé au moulin le jour de la Saint-Michel 1829. Jean Lescop, leur fils, y vit le jour le 11 novembre de cette même année. Depuis leur mariage en 1820, ils tenaient le moulin de la Rive, milin an Aod.
Ils ne séjournèrent au moulin de Lanvaon que durant un bail de neuf ans, puis s’en allèrent habiter le moulin du Bourg à Bourg-Blanc, où Yves décéda en 1844.
A Lanvaon, ils sont remplacés par Gabriel Crenn, né au Passage de Paluden le 30 messidor an XIII (19 juillet 1805). Aidé par deux domestiques, il occupe le moulin en 1841, avec son épouse Marie-Gabrielle Roudaut et leurs quatre enfants. Gabriel Crenn et Marie-Gabrielle Roudaut étaient auparavant cultivateurs à Kervily, depuis leur mariage en 1827. Le couple s’est établi au moulin de Lanvaon vers 1838, avant la naissance de leur fille Marguerite le 16 juillet 1839. Marie-Gabrielle Roudaut décède au moulin de Lanvaon le 3 février 1843.
Gabriel Crenn y reste au moins jusqu’à 1846 avec ses quatre enfants et sa mère Marie Le Deun. Il n’exploite le moulin que pour la durée d’un bail de neuf ans car, dès 1847, le meunier est Jean-Marie Cabon marié à Françoise Floch le 9 juillet 1846 à Plouguerneau.
Jean-Marie Cabon est un homme de la terre, né à Goarivan le 11 janvier 1819. Sa femme est issue des deux traditionnelles familles de meuniers que sont les Floch et les Bozec.
Quant aux derniers meuniers du moulin de Lanvaon, nous devrons rester dans le vague sur leurs identités ; les agents recenseurs ne mentionnent plus le nom des moulins mais seulement le toponyme Val, comme sur les actes d’état-civil. Vers 1907, suivant les registres des services fiscaux, il semble que l’activité du moulin a cessé.
En 1913, le bâtiment est considéré comme maison-moulin et, en 1914, François-Marie Calvez achète milin Lanvaon, ses dépendances et 85 ares de sols divers et d’étangs autour du moulin à Jean-Louis Plantec, cafetier à Lambézellec.
Les consorts Calvez – Lilès modifieront l’ancien moulin de Lanvaon pour le transformer en l’habitation qu’il est resté aujourd’hui et, vers 1970, l’étang fut comblé par René Calvez, leur petit-fils, pour faciliter les manœuvres des camions et l’exploitation de la minoterie du Traon.
3.4 – Les moulins de Lesmel, Milinou Lesveal
A moins de 100 mètres en amont se dresse le moulin de Lesmel, à l’emplacement de ce qui devint plus tard la minoterie du Traon du milieu des années 1930 jusqu’à la fin de son activité en 1993.
Vers 1840, les deux moulins dépendent du château de Lesmel : le premier, un bâtiment de 63 m2 au sol est déclaré rapporter 60 francs par an ; le second, en aval, d’une superficie de 42 m2, ne rapporte que 24 francs. Leurs machines sont mues par l’eau d’un unique étang de 252 m2.
L’existence du domaine de Lesmel est attestée au moins depuis le XVème siècle. Les usages de la féodalité, régis dans notre province par la « Très Ancienne Coutume de Bretagne », laissent présumer que le moulin banal attaché au fief est aussi ancien mais, comme la plupart des moulins, les traces écrites qui le concernent, antérieures à la fin du XVIIIème siècle, sont rares.
Le 11 janvier 1698, Vincent Lavanant, meunier au moulin de Lesméal, baptise son fils Pierre en l’église de Plouguerneau. Le parrain est l’Écuyer Pierre Denis et la marraine, sa Dame Marie-Louise Audren, demeurant tous deux au manoir de Lesméal. Ce choix est certainement une marque d’estime du meunier envers son bailleur. Néanmoins, cette même année, le meunier quitte le moulin de Lesmel pour ceux de Coatquénan.
Nous ne connaissons pas les remplaçants immédiats de Vincent Lavanant au moulin de Lesmel.
Soixante-dix plus tard, en 1768, Yves Marec y est meunier. Il exploitera le moulin durant plus de quarante ans !
Né au moulin de Guipronvel, situé dans la paroisse du même nom, le 27 octobre 1736, il se marie le 4 novembre 1760 avec Marie Floch demeurant à Plouguerneau avec ses parents : Jean Floch et Anne Jan. Âgé de 24 ans, Yves Marec est toujours mineur et bénéficie d’un décret de la juridiction de Carman qui autorise son mariage. Marie Floch naquit, semble-t-il, à Plouguin le 15 mars 1744(6) et suivit ses parents, déjà apparentés à des meuniers de Plouguerneau, vers un des moulins du Val, au Traon.
Le nouveau couple s’est installé au dit Val dans un moulin où leur naissent onze enfants entre 1762 et 1788. Ils vivent peut-être en cohabitation avec les parents de la mariée. La seule précision que nous ayons sur le lieu exact est l’acte de baptême de leur fille Catherine qui indique qu’elle vit le jour au moulin de Lesmel le 11 mai 1768.
Jean Morvan et Marguerite Marec n’eurent pas d’enfant. L’époux était certainement destiné à succéder à son beau-père, mais il décéda prématurément le 26 avril 1809 au moulin de Lesmel à l’âge de 37 ans, un an après sa belle-mère Marie Floch.
Devenu veuf et déjà âgé, Yves Marec ne renouvela pas son bail et trouva à s’employer au moulin de Saint-Julien en Plabennec où il mourut le 9 février 1815.
Il fut remplacé par Goulven Tanguy qui vit le jour au moulin du Penher en Plouvien le 27 novembre 1759. Goulven demeure à Tremenec’h, peut-être au moulin de Kelerven, quand il se marie en 1788 avec Suzanne Léost née au bourg de Plouvien en 1771.
Le couple s’installe au Val, probablement dans un des moulins situés dans le hameau à proximité de la chapelle. Cinq de leurs enfants y naissent de 1791 à 1800, puis ils partent s’installer à milin Kerouartz où leur fille Marie-Louise apparaît le 8 fructidor X (26 août 1802). Ils n’y restent que pour la durée d’un bail de neuf ans car ils remplacent Yves Marec au moulin de Lesmel où naît leur dernière fille Marie-Anne le 6 juin 1810.
Goulven Tanguy passera le reste de sa vie à milin Lesmel. Il devient veuf de Suzanne Léost le 29 juillet 1822, dix jours après avoir perdu sa fille Marie-Anne, décédée le 18 juillet. Lui-même meurt au moulin le 3 août 1826 à l’âge de 67 ans.
Mais, auparavant, il avait marié sa fille aînée, Marie-Françoise née au moulin du Traon en 1791, à François-Marie Lilès du moulin de Kergonvel. Ils seront les grands-parents de Marie-Françoise Lilès qui épousera François Calvez du moulin du Diouris et deviendront les aïeux de René Calvez, dernier meunier au Traon à la fin du XXème siècle.
Vers 1840, le propriétaire des deux moulins de Lesmel est Louis-Célestin de Poulpiquet qui demeure au château de Lesmel en compagnie de son épouse Thérèse de Blois, leurs sept enfants, et Françoise de Kermel, sa mère. Ils emploient un personnel de service important : une cuisinière, quatre servantes, un jardinier et trois domestiques.
Lors du recensement de 1841, le meunier est François Lilès, fils de Guillaume et d’Anne Bolloré, et frère de Louis tenant le moulin de Kergonvel.
François s’est marié à Plouguerneau avec Marie-Françoise Tanguy le 4 juillet 1824 et est venu s’établir comme gendre au moulin de Lesmel. Les conjoints sont tous deux nés au Val, de parents meuniers : François, le 27 pluviôse an VII (15 février 1799), et Marie-Françoise, fille de Goulven Tanguy et de Marie Léost, le 13 août 1791.
Après le décès de Goulven Tanguy, François Lilès prend la direction des deux moulins. En 1841, il y habite avec Françoise Tanguy et leurs trois fils : Jean-Louis, né en 1825, qui décédera du choléra en 1849 à l’hôpital militaire de Saint-Mandrier, Jean-Marie, né en 1827, qui prendra la succession de son père au moulin de Lesmel, et Toussaint né en 1831, qui s’établira plus tard à milin Kerouartz.
François Lilès décède au moulin de Lesmel le 4 avril 1863, quatre ans après son épouse.
Son fils, Jean-Marie marié depuis le 29 mai 1856 avec Marie-Yvonne Caraès née au moulin de Ranorgat en 1827, prend sa succession. Au moulin de Lesmel leur naissent au moins quatre enfants entre 1858 et 1868.
Le nouveau couple s’établit au moulin du Stang à partir de la Saint-Michel de cette même année 1896. Mais en 1901, le moulin a déjà cessé son activité et il est voué à la démolition ou à sa transformation en maison d’habitation.
François Calvez, sa femme et leur premier enfant s’établissent au moulin de Lesmel où l’ancien meunier du Stang vient seconder sa belle-mère, Marie-Yvonne Caraès devenue veuve de Jean-Marie Lilès en janvier 1899.
Déjà locataires du site, François Calvez et sa femme Marie-Jeanne Lilès achètent le moulin de Lesmel le 5 août 1921 à Louis de Poulpiquet, célibataire, demeurant à Kéravel en Landéda et héritier des propriétaires de la fin du XVIIème siècle.
A vrai dire, suivant la matrice cadastrale, l’ensemble des moulins de Lesmel a sensiblement évolué depuis 1841. Le moulin principal semble avoir disparu ou, peut-être, tombe-t-il en ruines ? Son sol est qualifié de « foennoc » d’une superficie de 42 centiares. Dans l’acte de vente, seul subsiste le petit moulin situé en aval du précédent. Les bâtiments consistent en une maison d’habitation, le petit moulin de 1841 et la crèche à vaches, tous couverts de gleds (chaume). Les seuls bâtiments à toiture en ardoises sont la soue à porcs et l’écurie !
Les consorts Calvez – Lilès s’emploient à moderniser l’outil de travail qu’ils viennent d’acquérir. Les vieilles bâtisses sont démolies vers 1923 pour laisser place à un moulin neuf. Celui-ci sera de nouveau profondément remanié pour être transformé en minoterie, un moulin à cylindres qui remplacent les meules en pierre, et qui devient le grand moulin du Traon vers 1935. Rapidement, la production évolua vers la farine blanche pour la boulangerie.
L’important établissement emploie des garçons meuniers et des domestiques. Parmi ceux-ci, Jeanne Prigent née en 1919 à Kergouroun, qui raconte(8) : « A l’âge de treize ans, quand il n’y avait pas classe, j’allais travailler au moulin du Traon. Il y avait beaucoup à faire : je devais m’occuper de sept enfants de la maisonnée, faire la cuisine… Le moulin appartenait aux Calvez. C’est Le Grignou, de Plouguerneau, qui avait fait la maçonnerie et les appareils, eux, avaient été fabriqués à Landerneau. Ensuite, quand j’ai quitté l’école, je suis restée travailler au moulin. J’ai remplacé le commis pendant cinq ans. Au moulin, il y avait le grand-père, le fils, sa femme un commis et moi. Il fallait aller chercher les grains dans les fermes. Les sacs étaient lourds – cinquante kilos – et on les portait sur le dos. On avait un tableau pour ceux qui ne payaient pas. Il y avait beaucoup de pauvres à l’époque, mais peu de mendiants. La clientèle allait jusqu’à Landéda – le quartier de Cameuleut – avec des sacs d’orge et d’avoine, pour la nourriture des bêtes. Il fallait les servir tout de suite à cause de la marée. Les autres attendaient leur tour ; parfois, l’attente durait une demi-journée ! Le travail était lent, à l’époque, c’était un petit moulin, mais la farine était bonne.
Une fois le grain moulu, on portait la farine au boulanger : le père de Jo Lossouarn qui avait sa boulangerie au bourg, collé au bar « Les Mouettes » actuel, ou la boulangerie Merrien. »
En ces années-là, c’était déjà le dernier moulin en activité au Traon. François-Marie Calvez, l’aïeul, décéda en 1936 et son fils le suivit dans la tombe trois ans plus tard. Malgré leur jeune âge, René Calvez et ses frères durent prendre à leur compte les rênes du moulin. Les farines de blé et d’orge étaient livrées par charrettes jusqu’en 1951, puis un camion prit la relève avec quelques difficultés à cause de la précarité du réseau routier de l’époque. En 1957, suite à la reconversion de son frère aîné vers un autre métier, René Calvez prit en totalité l’exploitation de la minoterie aidé par un ou deux ouvriers.
Les relations avec les clients cultivateurs étaient basées sur un système d’échange de farines contre des céréales. Une coutume ancestrale ! Au début des années 1960 et la fin des bons de pain, l’activité évolua vers le commerce avec des livraisons aux boulangeries locales de Plouguerneau, Lannilis, Lesneven, Brest… et la vente aux particuliers d’aliments pour bétail, dérivés des céréales.
L’évolution des techniques agricoles entraîna une qualité de plus en plus médiocre du blé produit localement, avec l’augmentation du rendement des cultures céréalières et l’abandon des méthodes traditionnelles de moisson. Les récoltes effectuées par moissonneuses batteuses, tenaient de moins en moins compte des conditions climatiques et le blé fut de plus en plus souvent sale, mouillé, insuffisamment mûr et donc impropre à la production de farine pour la boulangerie. Il fut donc réservé à la nourriture du bétail et il fallut rechercher d’autres sources d’approvisionnement.
Malgré tout ceci, l’activité du moulin se réduisait et il fallut se diversifier vers une activité de complément : l’élevage de veaux en batterie. Il y avait aussi le poids de plus en plus lourd des formalités administratives et des amendes inhérentes. Le résultat fut que, malgré la somme de travail dépensée, le Grand Moulin du Traon cessa définitivement son activité à la fin de 1993 et les machines furent démontées et vendues pièce par pièce.
René survécut à son moulin jusqu’à 2014 !
3.5 –Le moulin de Kerouartz, Milin Kerouartz
À quelques dizaines de mètres en aval de la maison qui a remplacé l’ancien milin Lanvaon, une résidence a été bâtie par Louis Lavanant, ancien transporteur bien connu à Plouguerneau, sur les ruines de l’ancien milin Kerouartz.
La plus ancienne trace écrite, que nous avons pu consulter et concernant l’existence de ce moulin, est l’acte de baptême en l’église de Plouguerneau de Goulven, fils de Guillaume Guillou et d’Anne Le Siou, le 1er juillet 1711. Le couple s’était marié à Lambézellec le 16 juin 1710. L’époux était né à Plouguerneau, peut-être au Traon, le 11 octobre 1685. Il eut pour parrain Silguy seigneur de Coatibescond (sans doute Coat-Hir-Bescond en Guilers) et pour marraine Marie-Anne Denys de Lesmel dame du Mouster. Ceci laisse présumer que la famille Guillou avait certaines relations privilégiées avec la noblesse léonarde.
Ce moulin dépendait certainement du brillant château de Kerouartz en Lannilis. Avant la révolution, cette famille en possédait deux autres sur la paroisse de Lannilis : La Fosse et Poulfougou, tous deux situés sur de modestes ruisseaux, l’un rejoignant l’Aber-Benoît en face de Tréglonou et l’autre se jetant dans l’Aber-Wrac’h à l’anse de Paluden. Ils furent vendus comme biens nationaux à cause de l’émigration de six membres de la famille(9). Kérouartz au Traon fut peut-être bâti à cause de la modestie de ces deux moulins du marquisat situés en Lannilis.
Suivent au moins six autres enfants, dont le benjamin, Allain qui deviendra meunier à Kerili puis à Coatquénan durant plus d’un quart de siècle. François Saos meurt le 16 février 1788, 6 mois après la naissance de son dernier fils, sans doute au moulin de Kerouartz mais l’acte de sépulture ne précise pas l’endroit de son décès.
Curieusement, on peut constater que du 18 juin 1777 au 31 mars 1784, François Saos et Marie Bellour firent baptiser cinq de leurs enfants et inhumer trois d’entre eux en Lannilis. Ceci confirme sans doute l’appartenance du moulin au domaine de Kerouartz. Il est aussi plausible qu’il était bâti dans une sorte d’enclave de la paroisse de Lannilis dans celle de Plouguerneau.
Durant la Révolution, il fut sans doute vendu comme bien national à l’instar des deux moulins de Lannilis et du Passage de l’aber, situé en bas de Beg-ar-C’hastel tout proche qui appartenait aussi aux seigneurs de Kérouartz.
Toujours est-il que le 15 nivôse an VIII, Goulven Tanguy, le meunier exploitant, paie une patente de 13 francs à l’administration du canton de Plouguerneau sur une base de revenus de 80 francs annuels.
Goulven et son épouse Suzanne Léost se sont installés à Kerouartz, après avoir été meuniers dans le dit moulin du Traon depuis 1790 environ. Suivant les actes d’état-civil, ils n’y restent que durant un bail de neuf ans, jusqu’à la Saint-Michel de 1809. Ils partirent ensuite au moulin de Lesmel et devinrent les ancêtres des occupants actuels de ce site par le mariage en 1824 de Marie-Françoise Tanguy et de François Lilès.
Au début de 1841, les propriétaires de milin Kerouartz sont les héritiers de François Le Roux et d’Anne Jestin. François Le Roux fut meunier au moulin du Stang dans les dernières années de l’Ancien Régime et pendant La Révolution. Les deux conjoints décédèrent au bourg de Plouguerneau : François le 7 septembre 1825 et sa femme le 12 avril 1840.
François est fils de Laurens Le Roux établi au Traon depuis au moins 1758. Anne Jestin, fille d’Hervé et de Marie Mauguen est née à Kérambars le 25 octobre 1750. Leurs seuls héritiers semblent être Anne Le Roux, mariée à François-Marie Lilès du Traon, et Louis né au moulin du Stang en 1789, époux de Marie Françoise Branellec de Plouvien et meunier à Kéringall en Lannilis après l’avoir été à La Rive de 1810 à 1821, puis au moulin à vent de Créac’h-Lilia jusqu’à la cessation de son activité vers 1836.
Le 28 mars 1841, Guillaume Bosseur dit Toby décède au moulin de Kérouartz à l’âge de 58 ans. Il exploitait le moulin aidé par sa femme Marie-Jeanne Bozec et son gendre Hervé Léost qui venait de se marier en 1839 avec Anne Bosseur. Guillaume était né en 1783 au moulin dit du Val, sans doute un des deux moulins situés dans le village du Traon. Marié à Plouguerneau le 15 janvier 1811 avec Marie-Jeanne Bozec du Grand Moulin de Kelerven, il seconda d’abord son beau-père Yves au moins jusqu’à 1825 dans ce moulin où naquirent huit de ses enfants. La famille s’établit ensuite au moulin de Kerouartz. En 1836, le couple y habite en compagnie de ses deux enfants survivants, Jean-Marie et Anne, qui sont tous deux célibataires.
En 1841, Hervé Léost né en 1810 à Kérizaouen en Lannilis et Anne Bosseur son épouse, originaire du Grand Moulin de Kelerven où elle vit le jour en 1820, prennent en main le destin du moulin pour peu de temps car ils n’habitent plus au Traon en 1846. En 1848, il est meunier à Pont-Guennec en Bourg-Blanc. En 1874, Hervé Léost est devenu aide-cultivateur à Plouvien. Il mourra mendiant à Kerdalaès en Bourg-Blanc le 19 mars 1883.
Nous ignorons qui remplaça Hervé Léost au moulin de Kérouartz. Toujours est-il que le 8 novembre 1861 Marie-Josèphe Lilès y naît. Elle est fille de Toussaint et de Marie-Anne Caraès qui viennent de se marier à Plouguerneau le 20 Janvier de cette même année. Ils sont tous deux issus de familles meunières ; l’époux est né au moulin de Lesmel en 1831 et Marie-Anne à milin An Aod en 1840.
Mais la meunière décède prématurément en 1869 laissant Toussaint veuf, avec cinq enfants en bas âge, dont Marie-Françoise qui n’a que sept mois.
François Beyer et Marie-Louise Bozec sont devenus propriétaires du moulin, peut-être par héritage. Mais on peut présumer que la meunerie ne rapporte plus suffisamment pour subsister ; en 1884, ils s’en défont au profit de Maître Yves le Roualec, notaire à Plounéour-Trez. A cette date, il est fort probable que l’activité du moulin est en plein déclin. Le couple et sa famille abandonnent milin Kerouartz vers 1886 et sont remplacés par René Bozec, oncle de Marie-Louise, marié à Suzanne Nédélec. Le couple est déjà âgé : René est né en 1827 au moulin du Carpont et Suzanne au Naount en 1838. Depuis leur mariage en 1864, ils ont engendré au moins dix enfants.
Marie-Louise, l’une de leurs filles convole en 1887 avec Jean-François Abily qui succède bientôt à son beau-père décédé au moulin de Kérouartz le 30 janvier 1888, deux semaines avant la naissance de son premier petit-fils René Abily(10). Jean-François et Marie-Louise Bozec seront les derniers meuniers à Kérouartz ; vers 1894, ils quittent le moulin pour s’établir comme cultivateurs, d’abord à Kerarvran en Plourin puis à Costouarne en Lanrivoaré.
Les bâtiments de Kérouartz tombent sans doute rapidement en ruines et, en 1901, ils seront considérés comme démolis par les services fiscaux.
3.6 –Le moulin de la Rive, milin an Aod
Bien que situé seulement à une centaine de mètres à vol d’oiseau du moulin de Kerouartz, on peut considérer que le moulin de la Rive, ou milin an Aod de la tradition populaire, ne fait pas partie des moulins du Traon. En effet, on y accède par un chemin différent. De plus la plupart des documents d’archives que nous avons consultés le mettent en dehors du lieu-dit Val ou Traon.
La première trace écrite que nous avons pu retrouver à propos de l’existence de ce moulin qui, malgré son toponyme, n’est pas un marin à marée, date de 1722. Le 14 octobre de cette année-là y naît Anne le Gall, fille d’Ollivier et de son épouse Jeanne le Gall. Ce couple s’était marié à Plouguerneau le 9 octobre 1721. Leur fille aînée ne vécut que six semaines et nous ignorons la suite de leur destin.
Quelques vingt ans plus tard, Yves Lavanant et Marie Abalain, sa femme, sont meuniers à La Rive en 1742 quand naît leur fils Guillaume le 19 avril de cette année-là. Ils exploitaient le moulin de Trousarc’hant en Lannilis au moins depuis 1733. Marie-Gabrielle est la benjamine de leurs enfants ; elle est née au Val, sans doute à milin an Aod en 1745. Yves Lavanant et Marie Abalain s’établirent par la suite à Poulfougou, probablement au moulin qui dépendait du marquisat de Kerouartz, jusqu’à leurs décès en 1771 et 1775, respectivement.
En 1770, le meunier à La Rive s’appelle René Migadel. En 1754, il a épousé à Plouguin Marie Bolloré native du moulin de la Roche situé dans cette paroisse. Le couple s’installe au moulin de Ranorgat, où le jeune marié habite déjà depuis au moins 1750. Vers 1766, il s’établit au moulin de la Rive où son épouse décède le 18 août 1770. Plus tard, René Migadel s’établira au moulin de Kerili. Il y mourra en 1787.
La Révolution de 1789 éclate. Nous ignorons le nom de la famille noble à laquelle il pouvait être attaché durant l’Ancien Régime. A milin an Aod, Guillaume Branellec et sa femme Marie-Anne Yvinec, tous deux originaires de la même paroisse de Saint-Frégant, viennent de s’installer. Ils ont convolé en justes noces à Guicquello le 11 novembre 1788.
Leur fils aîné, Guillaume, naît au moulin de la Rive le 19 février 1790.
Pour une raison qui nous échappe, les jeunes époux restèrent semble-t-il peu de temps à milin an Aod. Au début de 1792, ils sont établis au moulin du Châtel en Plouvien.
Le meunier est originaire du moulin de Penmarc’h situé entre le château du même nom et le bourg de Guicquello qui est à l’époque le chef-lieu de ce qui deviendra quelques dizaines d’années plus tard la paroisse du Folgoët. Son père, également prénommé Guillaume, vient du moulin du Skluz en Plabennec, situé sur l’Aber-Benoît à proximité de Saint-Jean-Balanant. Marié à Plabennec avec Marie-Jeanne Quidelleur en 1741, il s’établit à Penmarc’h peu après son mariage. Le couple engendra au moins treize enfants, tous nés au moulin de Penmarc’h. Plusieurs d’entre-eux eurent un destin assez atypique, voire tragique.
Les survivants à l’habituelle mortalité infantile de l’époque bénéficièrent sans doute d’une bonne instruction : ils savent tous signer leur nom d’une belle écriture. Guillaume, aîné, né en 1745, prit la succession de son père au moulin de Penmarc’h. Il devint un notable à Saint-Frégant et exercera des responsabilités politiques durant la Révolution. Deux de ses frères devinrent prêtres : Jean, né le 30 septembre 1743 fut ordonné à Saint-Pol de Léon le 2 avril 1768 et Jean-Marie, né en 1759, le fut le 22 septembre 1787. Quant à l’un des deux Gabriel de la fratrie, né en 1767, il fut tonsuré le 29 décembre 1787. Les soubresauts dus à la Révolution firent sans doute qu’il renonça à sa vocation et devint d’abord meunier à Plouvien puis épicier à Lannilis. Il se maria en la mairie de cette ville en 1804 avec Marguerite L’Hostis. En 1817, il y est instituteur, sans doute grâce à l’instruction qu’il reçut au séminaire. Lorsqu’il meurt en 1823, son acte de décès nous apprend qu’il est devenu secrétaire de la mairie de Lannilis.
Les deux prêtres connurent des destins fort différents. Jean, curé de Saint-Frégant en 1789, prêta serment à la constitution civile du clergé et devint curé assermenté de Plourin puis revint dans sparoisse natale de Saint-Frégant où il mourut, vraisemblablement dans la misère, le 23 floréal an V (12 mai 1797). Jean-Marie devint prêtre réfractaire. Arrêté le 10 nivôse an II (30 décembre 1793), dans sa paroisse du Minihy de Saint-Pol de Léon, où il vivait dans la clandestinité, il fut transféré à Brest. Jugé et condamné à mort le 28 germinal an II (17 avril 1794), il fut guillotiné le même jour sur la place du Château.
A La Rive, Marie Branellec, âgée de 43 ans, sœur de Guillaume et toujours célibataire, a pris la succession de son frère. Le 15 nivôse an VIII (5 janvier 1800), le revenu du moulin est suffisant pour qu’elle figure sur la liste des assujettis à la patente pour le canton de Plouguerneau. Trois mois plus tard, la meunière se marie avec un de ses meuniers, Jean Marec originaire de Balanant en Plouvien de treize ans son cadet !
Avant 1801, peut-être à la Saint-Michel 1800, Guillaume et sa femme ont quitté le moulin du Châtel et sont revenus exploiter milin an Aod. Hervé leur deuxième fils y naît le 5 avril 1801. Suivent Marie-Jeanne et Marie-Louise avant que malheur ne frappe. Hervé, 4 ans, meurt le 6 mai 1805. Guillaume, fils âgé de 15 ans et déjà meunier, décède le 1er mars 1806, dix jours avant son père emporté le 12 mars.
La succession est assurée par Marie-Françoise, née au moulin du Châtel en 1792 et devenue la fille aînée de Guillaume à cause des deuils successifs. Le 21 juin 1810, elle épouse Louis Le Roux. Le nouveau marié, qui vit le jour au moulin du Stang en 1789, s’installe à La Rive. Le nouveau couple donne naissance à au moins quatre enfants jusqu’en 1819. La famille s’expatrie ensuite vers le moulin à vent de Créac’h-Lilia implanté à l’emplacement de l’église actuelle, puis au moulin de Kéringall en Lannilis.
A milin an Aod, ils ont été remplacés par Yves Lescop, 30 ans, et sa femme Marie-Anne Abiven, 24 ans. Leur premier enfant, Jean-Marie, y naît le 24 décembre 1820. Ils n’y restent que pour la durée d’un bail de neuf ans, puis ils vont s’installer à milin Lanvaon.
Suivant le cadastre de 1841 et la matrice cadastrale qui est son corollaire, milin an Aod, ne possède pas d’étang ; les deux terrains en amont de la chaussée du moulin sont identifiés comme prés. Ils sont inondables et font office d’étang durant les mois pluvieux.
En 1841, le propriétaire du moulin est dénommé De Kerdanet sur la matrice cadastrale. Il s’agit sans doute de Mathurin Miorcec de Kerdanet, capitaine de vaisseau de 34 ans lors de son mariage à Brest avec Marie Aimée Le Forestier en 1815. Fils de Daniel Nicolas Miorcec de Kerdanet, juriste, homme politique et érudit, le marié est né à Lesneven en 1781. A la naissance de son fils Émilien, en 1819, il a quitté la Marine et exerce la profession d’avocat à Brest. Devenu veuf en 1820, il se remarie en 1824 avec Marie-Anne de Trogoff, rentière à Lanmeur. Il s’établit plus tard à Morlaix et décède après 1842(11) .
Au dénombrement de population de 1841, le meunier s’appelle Yves Caraès. Le 12 juin 1827, il s’est marié à Marie-Jeanne Corre, fille de Sébastien, née au moulin de Ranorgat le 6 fructidor an XI (24 août 1802). Après ses noces, le jeune époux originaire du hameau voisin de Kermoyen, est venu s’établir chez son beau-père. Marie-Yvonne, sa fille aînée qui épousera Jean-Marie Lilès du moulin de Lesmel en 1856, naît au moulin de Ranorgat en février 1829. A la Saint-Michel de cette année-là, Yves Caraès et Marie-Jeanne Corre s’installent à milin an Aod, pour remplacer Yves Lescop et Marie-Anne Abiven. Jean, leur premier fils y voit le jour le 18 mars 1833. Suivront six autres enfants, tous nés à milin an Aod. Finalement, Yves Caraès âgé de 54 ans, décède au moulin le 29 juillet 1856, six ans après Marie-Jeanne Corre.
Jean, âgé de 23 ans, prend sa succession. Le 10 janvier 1861, il se marie avec Rosalie, tricoteuse née en 1835 à Lilia, demeurant au bourg de Plouguerneau et fille de Jean Chapalain, douanier. La tricoteuse devient meunière ! De leur union naissent au moins cinq enfants jusqu’à 1877.
Devenue veuve en 1888, Rosalie Chapalain continue à diriger milin an Aod au moins jusqu’à 1906. Sans doute une maîtresse-femme ! Agée de 73 ans, elle exploite toujours l’établissement aidée de sa fille Françoise et de son petit-fils René, 21 ans, fils adultérin de Françoise. Finalement, le poids des ans décide Rosalie à se retirer au bourg de Plouguerneau. Elle y décède le 31 décembre 1913.
Après 1841, à une date que nous ignorons, il semble que le moulin de La Rive fut acquis par Emilien de Poulpiquet, lieutenant-colombier à Lesmel.
Auguste Omnès, cultivateur à Castellouroux en Plouguin l’acheta ensuite. Ce dernier en était propriétaire quand il décéda en 1890, sans doute prématurément, car son fils François encore mineur en hérita.
Ce dernier le vendit en 1914 à Françoise Caraès, fille de Rosalie Chapalain, veuve de Jean Francès, et à son gendre Yves Foricher marié à Marie-Renée Francès et demeurant au Moulin-Neuf en Lannilis.
En 1920, les occupants de milin an Aod sont Joseph Francès et Anne Mauguen, mariés à Lannilis le 13 janvier 1914. Fils de Jean Francès et de Françoise Caraès, originaires l’un de Kerneac’h-Gwikerne et l’autre de milin an Aod, et donc petit-fils de Rosalie Chapalain, Joseph s’engagea pour cinq ans dans les équipages de la Flotte en septembre 1907. Libéré de son contrat en 1912, il fut rappelé par la Marine en août 1914. Il s’établit sans doute au moulin de La Rive dès sa démobilisation le 21 février 1919. Sa famille y habitait peut-être déjà.
Sa veuve se remaria à Brest en 1936.
En 1931, le moulin devint la propriété de Jean-Louis Calvez et son épouse Eléonore Inizan, meuniers au Diouris, qui le vendirent probablement assez rapidement. En 1946, il était occupé par un cultivateur et sa famille. Jean-Yves Bramoullé, époux Ogor, de Meslédanou l’acquit en 1955.
Peut-être le revendit-il à Yvon Guihéneuf, l’occupant actuel ?
3 – En Epilogue …
Mais la cohabitation était peut-être facilitée par les liens familiaux tissés dans ce microcosme !
Selon René Calvez, il fallait parfois attendre le retour de la messe du meunier du Stang pour que les moulins en aval puissent exercer leur activité.
Le fonctionnement des moulins dépendait aussi des saisons ; l’été leur était sans doute peu propice à cause de la baisse du débit du ruisseau et aussi des travaux agricoles comme la moisson qui leur fournissait de la matière première pour l’hiver suivant. Peut-être pour pallier aux baisses d’activité saisonnières, tous les meuniers exploitaient une petite ferme : les moulins sont, la plupart du temps, entourés de prés dévolus à l’élevage de quelques vaches et le résidu de mouture, le son, est la base de l’alimentation de quelques porcs.
En 1836, huit meuniers exploitaient dix établissements situés du Stang à La Rive. Deux d’entre-eux, Kernéac’h-Guiquerne et Lesmel, étaient constitués de deux moulins ; le moulin secondaire situé en aval fonctionnait à l’aide d’une chute d’eau, sans doute une sorte de récupération de l’énergie résiduelle provenant de l’évacuation d’eau du moulin principal. Il servait sans doute aussi pour moudre un autre produit car les pierres meulières n’étaient pas polyvalentes ; par exemple, les meules à froment avaient un rainurage différent de celles destinées à moudre le sarrasin.
La décadence de la meunerie fut rapide, surtout dans la dernière décennie du XIXème siècle et la première du XXème. Au Traon(12), les sept familles de meuniers recensés en 1891 ne sont plus que trois moins de vingt ans plus tard. La population du hameau suit, évidemment, cette évolution. Le nombre d’habitants est passé de 102 en 1851 à 47 en 1911.
Les meuniers laissèrent leur place à d’autres occupants des lieux : pensionnés, retraités, employés d’usines de traitement du goémon comme Glaizot à l’Aber-Wrac’h et, plus tard, la nouvelle usine du Traon. Certains changent de métier : ils deviennent journaliers agricoles ou agriculteurs comme Yves Francès que nous retrouvons comme cultivateur établi rue de Croas- Boulic en 1896.
Nous avons vu qu’une activité d’équarrissage de bétail et son corollaire, le tannage des peaux, s’exerça aussi au Traon durant quelques années.
Aujourd’hui le hameau est devenu totalement résidentiel. Sur les soubassements de plusieurs anciens moulins des habitations ont été construites, parfois devenues des résidences secondaires inoccupées durant une grande partie de l’année.
Sources :
Archives départementales du Finistère :
· sous-séries 6M, 1Q, 6 B, 16B, 3P 196 (1-2-3), 1182E DÉPÔT, 1R
Centre Généalogique du Finistère :
· base de données « RÉCIF 2»
Archives de René Calvez.
Souvenirs de René Calvez.
Archives de la Mairie de Plouguerneau.
Notes :
(1) Étude démographique Plouguerneau 1728-1828. Nolwen Jaffré : mémoire de maîtrise UBO en 2000 (CRBC – Brest).
(2) Données de la statistique agricole de 1882.
(3) Sources : Archives Départementales du Finistère (sous-série A 178) et CGF (base de donnés « Récif »).
(4) Eugène de La Gournerie : « Les débris de Quiberon ». Nantes 1875.
(5) Eugène de La Gournerie : « Les débris de Quiberon ». Nantes 1875.
(6) Source : base de données « RÉCIF » du Centre Généalogique du Finistère.
(7) Source : « Moulins, soutanes et guillotine » de Jean-Luc Quentel (Éditions de la Cité-1989).
(8) Interview réalisée par Stéphanie Abiven pour le livre « Plouguerneau se raconte » en mars 2010.
(9) Source : http://www.animation-lannilis.org
(10) Mort pour la France à Thiepval (Somme) le 29 septembre 1914. Soldat au 19ème RI.
(11) Source : geneanet.org (Alain Gautier).
(12) Les moulins du Stang et de La Rive sont compris dans cette évaluation.
[rouge]André NICOLAS – Juillet 2015[/rouge]