Notre Dame du Val

A quelques encablures d’un bras de l’Aber Wrac’h, se trouve une chapelle posée sur un écrin de verdure. Il s’agit de Notre Dame du Val, appelée également Chapelle du Traon.


Situation cadastrale de la chapelle au Traon en 1842. Cliquez sur le plan

La chapelle actuelle date du XVIème siècle. Elle appartenait à cette époque à la famille de Kergadiou, propriétaire du manoir de Rannorgad. Ce dernier se trouve sur la hauteur à environ un kilomètre à l’est de l’édifice. Aujourd’hui, la chapelle appartient à la paroisse, suite à un don de sa dernière propriétaire, Marie-Pierre Abjean-Jollé.


Vue générale du Traon avant 1940 – Editions Gaby – CP Nadine le Borgne

Le calvaire
La chapelle se situe à l’intérieur d’un enclos dans lequel s’élève un calvaire daté de 1511. Ce calvaire en kersanton mérite que l’on s’y arrête afin d’observer les détails qui le ornent. Le socle repose sur quatre degrés circulaires. Sur le premier degré est réalisé une corniche. Celle-ci, au ras de la terre, laisse supposer que le sol n’a pas toujours été à ce niveau. cette observation est étayé par le chanoine Pérennes qui, lors de la rédaction de son ouvrage : « Plouguerneau, une paroisse entre Manche et Océan » parlait de cinq degrés. Il est possible qu’un deuxième lit de pierre soit enfouie sous terre. Ce type de monument servait entre-autre, à recevoir des offrandes, le degré principal étant celui sur lequel est sculpté la corniche.
Le socle cylindrique est chanfreiné, il porte une inscription, aujourd’hui difficile à lire. Celle-ci sculptée en relief comporte le nom des sculpteurs Toinas et Ponci. « L’Atlas des Croix et Calvaires du Finistère » de Yves-Pascal Castel propose la lecture suivante : dessin d’une équerre IO : TOINAS, dessin d’un marteau : H : PONCI : L AN MIL CINQ CANS XI.
Une des hypothèses de la présence des écots qui parsèment le fût, serait qu’ils représentent les bubons de la peste. Si l’on en croit la date du socle (1511), les auteurs ne peuvent faire référence à l’épidémie de 1531-1532 encore moins à celle de 1544 à 1546 qui firent des ravages dans la population bretonne. On sait cependant que de nombreux foyers d’épidémies ont touché Quimper au XVème siècle (1412, 1472, 1480). Il est loin d’être prouvé que l’on y fasse référence. Il faut se rappeler que Toinas et Ponci sont d’origine italienne. L’Italie a été touchée de plein fouet par la peste noire au XIVème siècle avant de s’étendre à l’Europe entière. L’épidémie tuera environ 25 millions de personnes en 5 ans soit de 30% à 50% de la population européenne. A cette époque, les pratiques religieuses évoluent. Des groupes de flagellants se crééent afin d’expier les pêchés devant l’Apocalypse prochaine annoncée par la maladie. La dévotion est à son paroxisme. C’est en signe de dévouement qu’apparaissent des bubons sur les fûts supportant la croix du Christ. Aucun document n’atteste d’évènements notables sur la commune de Plouguerneau en 1511. Cette date est peut-être tout simplement celle de l’édification du calvaire.
Une seconde hypothèse est qu’il s’agit des gourmands suite à l’émondage d’un arbre.
La croix est posée sur un croisillon à moulure. Sur la gauche on y trouve la Vierge. Sur l’extrémité du bras de soutien est sculpté l’écusson de la famille Le Moyne de Ranvlouch. Sur la droite on y trouve Saint Jean et à l’extrémité du bras de soutien l’écusson des Le Moyne et Kergadiou.
Au dos de la croix est sculpté une pièta


Le Moyne et Kergadiou

La croix
La petite croix qui couronne le chevet de la chapelle (au sud) a été fixée en 1963. Cette croix appartenait à Jean-François Jézégou de Kergadavarn. Elle était posée à l’entrée d’un de ses champs au lieu dit « ar vanell vud » (la venelle muette). C’est à force d’insistance que le chanoine Quillévéré l’obtient afin d’orner la chapelle lors de sa restauration. (cf : Croix et Calvaire de Plouguerneau – E.Guirriec)

La fontaine
A l’est de la chapelle se trouve une fontaine à voûte profonde. Il ne lui est pas reconnue de valeur thérapeutique, et aucune légende ne circule autour de cette fontaine. De construction relativement simple, peu de fioritures ornent l’édifice. On peut noter un fleuron de couronnement posé sur le pignon débordant arrière. L’eau de la fontaine se déverse dans un lavoir, en contre-bas. Il y avait autrefois dans la fontaine un saint abbé posé sur une tablette de pierre. Aujourd’hui disparu, il n’est pas possible, en l’état, de dire de qui il s’agissait, ni qui est concerné par cette fontaine de dévotion. Ce que l’on peut dire avec certitude, c’est que des personnes viennent ici, effectuer un voeu en échange d’une pièce de monnaie. Parions que ceux-ci se réaliseront sous l’oeil bienveillant de Notre Dame.

Les vitraux


Vitrail nord

Vitrail est

Vitrail ouest

Vitrail sud
Comme on peut le constater sur la photo de droite, prise en 1961, il n’y avait pas de vitraux dans la chapelle, de simples fenêtres. Les vitraux datent de 1964 et sont l’oeuvre de J-P Bihan.

Les statues

Ste Marie
Bois polychrome
XVIIIème s.
Ste Anne
Kersanton polychrome
Ste Suzanne
St François d’Assise

 

 


La fuite en Egypte
Bois polychrome
XV ou XVIème s.

 

 

Cantique de Notre Dame du Val :

Chapel an Traon


Chapel an Traoñ …
chapel an Dour !
Dour-eien ar feunteun
Da bareañ ar re glañv gwechall.
O vont er poull-bihan hag er poull bras
Da walc’hiñ an dilhad
Hag er poull-lin

Da aozañ d’ar gwiader
D’ober lien ha mezer
Dour ar ganol
O lakaat tro e rod ar milinoù
12 a oa amañ !
araok mont en Aber-Ac’h
e milin an aod.

Le texte ci-dessous est la description effectuée par le Chanoine Henri Pérennès dans son livre « Plouguerneau, Une paroisse entre Manche et Océan »

Chapelle du Val (Chapel an Traon)


Plouguerneau
Une paroisse entre Manche et Océan
Chanoine Henri Pérennès – 1941

Dom Cyrille Le Pennec, dans la première moitié du XVIIe Siècle s’est laissé prendre au charme de cette chapelle : « Dans la paroisse de Plouguerneau, écrit-il, du costé du passage, l’on aborde la devote chappelle de Nostre Dame du Val, bastie dans un vallon ; le lieu est extrêmement pieux et agréable, proche d’un ruisseau et accommodé de gentils jardinaiges. Vous diriez voir un hermitage , tant le séjour et la demeure sont agréables !
La petite chappelle est soigneusement entretenue et dépend de la noble maison de Kergadiou (*) ».
(*) Kerdanet, Les Vies des Saints bretons, p. 516-517.

Le sanctuaire du Val qui se trouve à environ un kilomètre du bourg de Plouguerneau est du XVIe siècle : on lit en effet la date de 1572 sur la porte à fronton de la longère nord. II a été restauré au XVIIIe siècle, ainsi que l’attestent les baies à plein cintre et l’inscription accompagnée d’un calice, qui figure à la porte de la façade sud :

1757. M : A : L : HAMON. C.

Vingt ans auparavant avait été édifié l’arc-de- triomphe qui précède la chapelle du côté nord, où on lit la date de 1738 au sommet d’un bloc de kersanton encastré dans le massif de maçonnerie, avec à gauche un blason, à droite un calice.
A l’angle sud du pignon de la chapelle apparaît un écusson présenté par un gentilhomme en granit, offrant une coquille et trois fasces : ce serait, d’après M. Le Guennec, un mi-parti de Le Moyne et de Kergadiou.
Il y a trois autels dans la chapelle.
Le maître-autel en bois, qui est moderne, repose sur un large soubassement de granit. Le tabernacle qu’il porte est surmonté d’une statue de la Vierge-Mère présentant son Fils debout et mutilé. A gauche est assise dans une niche une Sainte Vierge gothique ; on voit à droite un groupe en bois sculpté de la Fuite en Egypte : la Vierge on robe d’or, drapée d’un manteau bleu, assise sur un âne qui broute l’herbe, porte son Enfant ; saint Joseph tout vieux a près de lui un gentilhomme qui porte une boîte sous le bras. Un palmier, de son feuillage, au-dessus duquel figurent deux anges, protège la Sainte Famille contre les ardeurs du soleil. Ce bas-relief très curieux est surmonté d’un petit saint Sébastien.
A l’angle de la paroi, du côté de l’Epître, dans une niche on aperçoit sainte Anne apprenant à lire à sa fille debout près d’elle : toutes deux ont une main posée sur le livre. Le haut de la niche est décoré d’une coquille de saint-Jacques surmontée d’un calice sculpté.
Perpendiculaires au maitre-autel deux beaux autels en granit s’appuient aux parois de la chapelle, ils reçoivent la lumière par des fenêtres cintrées et sont accompagnées de crédences. Celui de droite porte un franciscain à barbe, à genoux, (un capucin ?) ouvrant son manteau et découvrant sa poitrine ; il regarde le ciel et semble en extase. Au-dessus de l’autel est un animal à tête d’homme. – Faisant pendant à ce religieux, se trouve sur l’autre autel un franciscain sans barbe encapuchonné, tenant les mains sur sa poitrine (saint François d’Assise ?) (*).
(*) Ces religieux rappellent, semble-t-il, les Cordeliers de l’Ile-Vierge.

On voit encore dans la chapelle deux vieilles statues. A droite un saint abbé est soutenu par un socle orné d’un calice, et qui porte l’inscription gothique que voici :

V. M. F. Iezegou. p. a. faict faire
icelle ymage l’an MVXXVI (*)

(*) « Vénérable messire François Jezégou prêtre a fait faire cette image l’an 1526. »
A gauche une statue en pierre représente sainte Suzanne, la chevelure retenue par un bandeau, tenant d’une main un livre ouvert, de l’autre un rouleau de parchemin. Le socle de la statue porte en gothique l’inscription : S. Sussanna ; il est décoré du blason des Le Moyne : un croissant accompagné de trois coquilles.
On voit encore dans la chapelle une Vierge-Mère du XVIIe siècle portant Jésus qui tient le globe terrestre.
La chapelle, note M. de Kerdanet, fut réparée sous le rectorat de M. Rivoalen (1835-1865).
Au nord et dans le voisinage immédiat du sanctuaire de Traon se dresse un calvaire dont le socle est formé de cinq degrés circulaires. Le fût bosselé soutient un groupe en kersanton du Christ crucifié avec à l’avers une pièta. Ce calvaire est daté de 1550.
Au midi de la chapelle se blottit la fontaine de dévotion, édicule maçonné, avec une niche gothique qui abrite un saint abbé. L’eau coule dans deux lavoirs et va se jeter dans le ruisseau qui ne cesse de chanter. Rien de plus poétique.
Le pardon de N.-D. du Val est célébré le dimanche du Rosaire, par les vêpres, accompagnées d’un sermon, qui y sont chantées.

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Dessin de M. Le Vicomte Frotier de de La Messelière
Plouguerneau
Une paroisse entre Manche et Océan
Chanoine Henri Pérennès – 1941

 

Les seigneurs de Lesmel avaient jadis des prééminences dans notre chapelle.
La présentation des gouverneurs du Traon appartint successivement aux seigneurs de Ranorgat et de Coetlogon.
Nos archives départementales possèdent sur la chapelle du Val de nombreux documents qui couvrent la période de 1609 à 1789. L’un d’eux mentionne à la date du 5 mars 1678, la collation par le chapitre de Léon, de la chapellenie de Notre-Dame du Val vacante du fait de la mort de Guillaume Autret, prêtre, à François-Paul de Kergadiou, clerc tonsuré du diocèse de Léon.
Le 22 mars eut lieu la prise de possession. En présence de son père Prigent de Kergadiou, seigneur de Tromabian et d’autres parents et amis, le nouvel élu fut intronisé par François Paul, recteur de Plouguerneau et Olivier Nuz, prêtre de Lannilis. Il assista à la messe requise pour sa prise de possession, puis observa les rubriques traditionnelles, «  baisa l’autel, sonna la cloche, entra dans les maisons attachées à la dite église et dépendances du dit gouvernement ». Signent le procès-verbal : Jacquette-Angélique Le Roux, Jan Abernot prêtre, Prigent, François, Gabriel de Kergadiou, Jouen de Kerouartz, Nuz prêtre et Paul recteur…(*)
(*) Arch. Départ. 192 g 35.