Plouguerneau au temps du Néolithique


PLOUGUERNEAU AU TEMPS DU NÉOLITHIQUE
( Un village sur pilotis à Rann-Grannog ? )
 

« Il nous aura fallu attendre 1971 pour découvrir l’existence d’un krannog ou village sur pilotis au lieu-dit Rann-Grannog, à partir des photos aériennes de 1966. Ce village devait comporter environ 55 huttes circulaires de 6 m de diamètre, reposant sur de grosses pierres. Il s’étendait sur une zone de 95 m de longueur et de 45 m de largeur, entourant une mare ou un ruisseau. Ces photographies aériennes indiquent la présence de gros blocs de pierre. C’est en Grande-Bretagne et en Irlande que l’on compte le plus de krannog. Si celui de Rann-Grannog était vérifié, il serait le premier à être découvert sur le continent. »

 

Plan du Grannog de Plouguerneau

C’est ainsi que, dans son ouvrage « Plouguerneau-Histoire », publié en 1987, Pierre Abjean présentait la découverte de quelques vestiges néolithiques à Plouguerneau. Malheureusement les pierres qui pouvaient signifier un crannog à Rann-Grannog semblent avoir étés bouleversées par les travaux de notre époque des routes goudronnées même si certaines qui demeurent en place peuvent effectivement appartenir à un ordonnancement artificiel et non naturel.

Dans les notes manuscrites de Pierre Abjean on trouve aussi le schéma d’un crannog qui semble exister au Naount à Plouguerneau et dont les restes semblent mieux conservés que ceux de Rann-Grannog.

 

Menhir au Grannog du Naount

Mais que signifient ces souvenirs qui nous viendraient de l’époque néolithique ?

Voici ce que Wikipédia raconte à ce sujet : « un crannog (mais également crannóg ou grannoge) est le nom donné en Ecosse et en Irlande à une île artificielle utilisée pour l’habitation. Le nom est aussi utilisé pour les plateformes en bois construites sur les eaux peu profondes des lochs, principalement pendant le Néolithique. Cependant peu de vestiges de ces constructions nous sont parvenus.

Le nom viendrait du gaélique irlandais crann signifiant arbre.
L’approvisionnement en nourriture, avec le poisson, et le sentiment de sécurité, semble avoir été les raisons de l’occupation de ces crannogs. Le crannog pouvait être atteint depuis la rive au moyen d’un passage fait de pierre, ou encore grâce à un ponton de bois… Beaucoup de crannogs auraient été utilisés de l’âge du fer jusqu’au début de l’époque médiévale, en même temps que les brochs et les duns. »

Après la citation de plusieurs endroits où sont visibles des crannogs en Irlande ou en Ecosse, voici ce que Wikipedia rapporte sur leur construction :

« La construction d’un crannog préhistorique commence sur une petite île ou sur un haut-fond situé sur un loch ou sur une zone marécageuse. A cet endroit sont alors plantés des pieux de chêne, formant un cercle d’environ 60 m de diamètre. Les pieux sont joints par des branches entrelacées et du clayonnage. L’intérieur de cet ensemble est ensuite rempli, d’abord de troncs d’arbres, puis de branches, de pierres, d’argile, de tourbe et autres matériaux issus de la terre. Au centre, un grand foyer est construit à l’aide de pierres plates et une habitation de bois est construite autour. Plusieurs habitations étaient parfois construites sur un unique crannog.

La fortification préhistorique était occupée par une famille ou une tribu, et l’accès se faisait souvent à l’aide d’une pirogue. Cependant beaucoup de ces crannogs étaient reliés à la terre ferme au moyen de chaussées de pierres ou de bois, parfois construites juste sous le niveau de l’eau, permettant une plus grande sécurité face à d’éventuels intrus. Des ossements de bétail, cerfs et de porcs ont été retrouvés lors de fouilles de crannogs.

Cette présentation des crannogs par Wikipédia est évidemment incomplète, elle présente d’ailleurs essentiellement les crannogs d’Ecosse et d’Irlande. La discussion entre les archéologues et les divergences d’hypothèses demandent bien sûr quelques informations supplémentaires.

 

Crannog reconstitué en Ecosse

L’âge Néolithique est donc le « nouvel âge de pierre », celui de la pierre polie. Cette époque est assez différente selon les régions du monde, allant en moyenne de l’an 7000 av JC jusqu’à environ l’an 2500 av JC. Cette civilisation de la pierre polie semble être partie du Croissant Fertile jusqu’à l’Europe de l’Ouest. Les alignements de Carnac semblent être du Néolithique moyen, les crannogs semblent plus proches du Néolithique final, entre 3800 et 3200 av JC.

Les crannogs semblent donc appartenir à la civilisation du début de la sédentarisation qui va engendrer l’apparition des lieux stables, la transformation des milieux naturels et l’invention de l’agriculture, voire même la création de villages.

Comme on l’a vu, les crannogs en Ecosse sont souvent installés sur les lochs, mais ils peuvent être installés parfois sur un marais où coule un ruisseau. Il est évident que la recherche de l’eau était primordiale pour la vie des autochtones. Les pierres plates installées sur le marais permettaient de bâtir, en bois, les abris nécessaires à la sédentarisation. Ils avaient donc déjà l’eau courante, potable en amont, et sans doute moins potable en aval. Le modeste ruisseau d’une contrée n’avait évidemment qu’un seul « village ».

Dans « La Toponymie Celtique » (Ed. du Félin 1989), Jean-Marie Plonéis nous éclaire quelque peu sur le mot crannog. : « Le mot crann apparaît en breton une bonne vingtaine fois comme nom de hameau dans le domaine bretonnant (il faut ajouter à cela les composés : pen/cran, les dérivés : crann/ec, les pluriels ; cran(n)n/o, crann/ou, et des formes mutées comme (ar) grann/ec) ; il s’agit bien du même terme que l’irlandais crann « arbre ». En breton, cependant, Krann désigne aussi parfois la garenne ; nous avons même un krann-radenn « fougères des garennes ». Dans crann/ou ou forêt de Hanvec, le doute n’est pas permis, il s’agit bien du pluriel de krann avec le sens d’’arbres’… »

 

Pierre du Grannog à Rann-Grannog

Les constructions en bois n’ont évidemment laissé aucun souvenir, mais les grosses pierres cumulées sont restées à demeure, dans un cumul parfois encore ordonné, mais parfois aussi un peu bouleversé par les petits cataclysmes naturels en 5000 ans de survie, ou plus encore par les bulldozers à notre époque mécanique.

Cette époque du néolithique est aussi le début de la culture de la céramique imprimée. Assez curieusement le terrain du Naount a laissé des traces de poterie dans le voisinage de ce lieu qui pourrait figurer un crannog.

Voici ce qu’avait écrit Patrick Galliou dans le bulletin de la Société Archéologique du Finistère en 1971 au sujet du site du Naount : « L’examen de la photographie aérienne (I.G.N., mission 8, n° 109) révèle la présence à l’Est de ce village d’un site en demi-cercle. Une visite sur le terrain a permis de retrouver, dans la tranchée du chemin qui borde ce demi-cercle, de gros fragments de poterie médiévale. On y distingue des terrines à bord vertical, des jarres ovoïdes, de grands plats, parfois recouverts de vernis au plomb à l’intérieur. La pâte est en général bien cuite, dure et sonore. L’élément caractéristique de tous ces vases, à l’exception des plats, est un rebord versé horizontal, souligné de cannelures ou d’une dépression concave. »



Images du site de Rann-Grannog

Comme on l’a dit plus haut, l’occupation de ces lieux a duré jusqu’au début de l’époque médiévale, ce qui explique la remarque conclusive de P. Galliou : « Par sa qualité, cette poterie est nettement plus moderne que celle des mottes féodales ou du château de La Forest-Landerneau. »

En conclusion disons simplement que les deux sites de Plouguerneau, Rann-Grannog et le Naount mériteraient sûrement d’être débroussaillés pour mieux être étudiés : seraient-ce les premiers crannogs découverts en Bretagne ?

René Abjean – Juin 2014