Evêque ou Abbé
La foi n’a aucune valeur sans les œuvres. Quand nous paraîtrons devant notre Juge, il ne nous suffira pas de dire » J’étais chrétien, j’avais la foi ». Il nous faudra ajouter immédiatement: « et parce que j’avais la foi, j’ai détourné mon cœur des plaisirs de ce monde, j’ai combattu mes mauvaises tendances, j’ai maîtrisé mon savoir, j’ai peiné, j’ai fait l’aumône et je n’ai négligé aucun de mes devoirs ».
Celui qui pourra parler ainsi à l’heure de la mort s’entendra dire par le Grand Juge: » heureux et fidèle serviteur, entre dans la joie de ton Seigneur ». J.M. Perrot |
Ar Feiz a zo didalvez heb an oberou. Pa’z aimp dirak hor barner, ne vezo ket awalc’ d’eomp gellout lavaret: »kristen oan;feiz am boa » red e vezo d’eomp beza goest da lavaret kerkent: » hag o veza mam boa feiz, am eu distaget va c’halon, diouz traou touellus ar bed; am eus stourmet ouz va zechou fall, am eus donveet va skianchou, am eus yunet, am eus pedet, am eus great aluzen, n’am eus laosket a gostez hini eus va deveriou ».
Kement hinia c’hello komz en doare ze var e vero, a vezo lavaret d’ezan gant ar barner bras: » Euge serve bone, intra in gaudium Dimini tui: Deus, servicher mad, sav e levenez da Aotrou ».
Un saint Gouesnou , de belle facture, est venu l’année dernière, en l’an 2.000, prendre place parmi les petits saints de Plouguerneau. On sait qu’au Naount une fontaine Saint Gouesnou, datant du 16ième ou 17ième siècle, abrite une statue du saint en kersantite . Cette fontaine dépendait d’une chapelle sans doute seigneuriale, disparue dit-on au 19ième siècle. Un champ proche est appelé Park ar Chapel. Le mur de la fontaine présente un écusson illisible. L’eau de la fontaine se jette dans un lavoir avant de gagner une prairie voisine. Tous les ans, l’après midi de l’Ascension, les habitants du Naount célèbrent les vêpres autour de la fontaine, avant de se livrer aux joies de leur Pardon .
Je me souviens que la veille de la Grande Marche du 15 août 2000 j’ai entendu notre curé M. Chapalain dire à l’abbé Gouven Madec: » Le temps menace pour demain. Demain nous allons marcher pour la première fois avec saint Gouesnou qui est un saint « pissous ». Alors il faut qu’Augustin l’emporte sur Gouesnou pour ne pas gâcher notre procession ». Quelle réputation pour un saint qui est honoré, près de Brest, dans la paroisse qui porte son nom!
La vie de saint Gouesnou fut écrite en 1019 à Saint Pol de Léon par un prêtre du nom de Guillaume qui était chapelain ou aumônier d’Eudon, évêque du Léon. Mais déjà en 884, il était cité dans une vie de saint Pol sous le nom de Woednovius ou To-Woedicus. On ignore s’il fut évêque du Léon. La vie de saint Hervé en 897 ne note Goesnovius que comme saint abbé.On voit donc que bien des doutes subsistent sur l’identité exacte et les fonctions de saint Gouesnou, faute de documents probants. Des détails de sa vie ont été fournis par Albert le Grand qui le situe dans la première moitié du 6° siècle.
Selon sa biographie écrite donc en 1019 et repris ultérieurement par Albert le Grand et le père Lobineau, Gouesnou est né en Grande Bretagne. Il aurait perdu sa mère alors qu’il était tout jeune. A 18 ans, il assiste à l’invasion de son pays par les anglo-saxons. Son père Tugdon, son frère Majan, sa sœur Tugdona et lui-même quittent alors la Grande Bretagne et se réfugient en Armorique, comme beaucoup de leurs compatriotes.
La toponymie atteste bien du passage et du séjour de Gouesnou et de sa famille dans notre région.
La famille débarque près de Landeda où la chapelle Broennou rappelle leur passage et elle s’installe aux environs de Lannilis où l’on rencontre un Loc-Tudon, avant de reprendre la route vers le sud. Elle séjourne entre Brest et Guipavas, où un carrefour s’appelle encore Coataudon et où une chapelle porte le nom de Saint Tudon.
Tugdon et ses enfants décident alors de distribuer tous leurs biens aux pauvres et de consacrer leur vie à Dieu.
Tugdona est placée dans un couvent de loc-Ronan-ar-Fanq( près de Saint-Renan). Son père se retire dans la forêt de Guipavas avant de rejoindre Plou Abennoc ( Plabennec) et plus tard dans la paroisse de Lan-Belluoc, devenue plus tard Lambezellec.
Majan quant à lui part vers l’Ouest et s’installe à Plouguin dans un lieu appelé depuis Loc-Majan, près du château de Trémazan.
Pour sa part Gouesnou se retire dans une autre retraite qui prend le nom de Lan Goueznou. Il édifie un petit ermitage et » vaque à prières, jeunes et oraisons ».
Selon la légende, le seigneur des lieux, nommé Comorre, chassant un jour sur ses terres, découvre l’ermitage et curieux de connaître son occupant, frappe à la porte. Il prend le saint en affection et décide de lui offrir, pour bâtir un monastère, autant de terre qu’il pourrait entourer d’un fossé en un jour. Gouesnou accepte le don. Il prend une houe et la traînant à terre, il marche « environ 2 lieues de Bretagne », formant un carré de 800 mètres de côté. Au fur et à mesure de sa marche, la terre se soulève de part et d’autre de sa houe, formant ainsi un fossé. Le Minihy, c’est le chemin que parcourt chaque année la procession du jeudi de l’Ascension.
Le comte Comorre, témoin du miracle, fait bâtir à ses frais un monastère sur des plans établis par Majan que son frère Gouesnou avait appelé. Une source d’eau vive, découverte par le saint, fournit aux ouvriers et plus tard à la communauté toute l’eau nécessaire. Cette fontaine miraculeuse est à quelques dix mètres du portail ouest de l’église de Gouesnou.
Le monastère achevé en 642 fut consacré par saint Houardon, évêque du Léon. Trois ans plus tard, le même évêque appela saint Gouesnou à St Pôl de Léon et voulut l’attacher à sa personne. Mais le saint obtient rapidement l’autorisation de retourner dans son cher ermitage.
La légende raconte aussi que le saint, très misogyne, refusait aux femmes l’entrée du monastère, exception faite pour l’église. Une grande pierre marquait la limite qu’elles ne pouvaient franchir sous peine de tomber mortes.
Pendant la construction de son monastère, Gouesnou allait fréquemment quémander de la nourriture dans les villages voisins. Un jour, il demanda à une femme un peu de fromage mais elle prétendit qu’elle n’en avait point. Le saint lui répondit: « Tu mens mais tu dis la vérité sans le savoir. Tu crois avoir le fromage que tu m’a refusé, mais tu n’en as point! » Après le départ de Gouesnou, la femme alla ouvrir son placard et trouva tous ses fromages transformés en gros cailloux !
Selon Albert le Grand, saint Houardon, pressentant sa mort, pria Gouesnou de venir l’assister dans ses derniers jours. Puis il demanda à ses chanoines de l’élire comme évêque, ce qui aurait été fait en 650. Gouesnou aurait dirigé le diocèse pendant 24 ans.
En 675, alors qu’en compagnie de son frère Majan, il visitait un monastère en construction à Kemperlé, il vint à parler du monastère bâti pour lui à Gouesnou et à louer son architecture. Le maître architecte de Kemperlé, ulcéré de ces éloges, en conçut une violente haine contre l’évêque. Etant monté sur un échafaudage dressé pour permettre le lambrissage de l’église, il laissa tomber( comme par mégarde) son marteau sur tête du prélat. Ce dernier mourut quelques heures plus tard, le 5 octobre 675, non sans avoir défendu de punir le responsable de sa mort.
Une autre légende évoque des miracles accomplis par le Saint après sa mort: saint Majan vient réclamer les reliques de son frère qui ont été mélangées à dessein avec de nombreux autres ossements. Après avoir prié toute la nuit, Majan déploie une pièce de drap devant les ossements: ceux de saint Gouesnou, y compris son crane défoncé par le marteau, viennent s’y rassembler !
Une partie de reliques fut déposée dans la cathédrale de st Pol de Léon, l’autre dans l’église de Gouesnou.
Dans la liste des évêque de Léon, Gouesnou occupe la 8iéme place mais l’authenticité de cette liste est mise en cause et rien ne prouve que le saint ait succédé à St Houardon ou même qu’il ait été évêque.
L’église de Gouesnou est dédiée au saint réputé pour guérir les rhumatismes. De style renaissance, elle s’entoure d’un cimetière en enclos, d’un bel arc de triomphe et dans le parc en contrebas d’une fontaine semblable à celle du Naount. Dans l’église, un petit os provenant dit-on d’un doigt de saint Gouesnou est encore conservé dans un étui d’argent.
Saint Gouesnou est fêté généralement le 25 octobre.
Texte de Noël L’Hour