Soeur Marie-Salomé


Soeur Marie-Salomé est née le 3 mars 1847 à Guissény. Elle décèdera le 18 octobre 1930 à Alger.

Le texte ci-dessous est issu de « La Chronique des Sœurs Missionnaires ». Cette chronique a vraisemblablement été éditée entre 1928 et 1930. Aucune modification n’y a été apportée, qu’il s’agisse de l’orthographe, de la ponctuation ou des quelques termes bretons utilisés.

LA MERVEILLEUSE HISTOIRE

DE
MARIE-RENÉE ROUDAUT
DE GUISSENY
QUI PARTIT DE PLOUGUERNEAU
POUR CONVERTIR L’ AFRIQUE

Il y avait une fois une petite fille que tout le monde aimait bien, parce qu’elle aimait tout le monde à cause du bon Dieu. Elle demeurait au village de Ker­maro, où son père et sa mère, René Roudaut et Marie­-Jeanne Lossac, cultivaient la terre, et élevaient leurs cinq enfants.
C’était Monsieur Jean François Calvez, le Vicaire, qui l’avait baptisée le 4 Mars 1847, et depuis, elle s’appelait Marie-Renée, qui est un très beau nom et un présage de sa mission future.
Marie-Renée avait quatre frères et deux sœurs, qui lui ont donné quantité de neveux et nièces, et tous ceux du pays ont connu ses deux cousins germains, les Mes­sieurs Roudaut, qui furent recteurs de Kerlouan, et ses arrière-neveux, les deux abbés Bleunven, qui sont morts, l’un recteur de Pencran, et l’autre vicaire de Guimiliau, et M. Roudaut, vicaire de Saint-Pol, qui gagna la Légion d’honneur à 22 ans …


Leçon de lecture

La petite Marie-Renée, quand l’âge fut venu d’aller à l’école, (et on n’allait pas beaucoup à l’école dans ce temps-là,) tous les matins prenait son petit pa­nier avec ses livres, ses cahiers et son pain, et travaillait de tout son cœur, comme on travaille toujours à Guisseny.
Et puis, quand l’âge fut venu de faire sa première Communion, (dans ce temps-là, il fallait avoir 11 ans au moins,) Marie-Renée fut reçue il l’interroj, et le Roi des apôtres vint travailler son âme blanche.

En l’an 1859, René Roudaut et Marie-Jeanne Lossac émigrent à Plouguerneau, au village d’Enez Kadec Marie-Renée continue d’étudier chez les Sœurs de la paroisse, et d’aider sa mère dans les soins du ménage.
Elle ne fréquente pas les réjouissances profanes; com­me saint Basile elle ne connaît que deux chemins, celui de l’école et celui de l’église. Dure à la peine, elle en vaut deux à la besogne, et c’est le bon Dieu qui l’encourage.
Car elle vient communier souvent, presque tous les matins, (ce qui était beaucoup pour ce temps-là). Pour­tant il pleut souvent en Bretagne, et les routes sont bien mauvaises, et la tempête est folle à Plouguerneau ….. Marie-Renée venait à l’Eucharistie, et puis elle travail­lait!…
Ses maîtresses avaient bien vu que cette enfant-là était pour le bon Dieu. Et voilà qu’elle leur dit un jour qu’elle voulait, comme elles, vouer obéissance, pauvreté et chas­teté pour toute sa vie.
Ce qui fit qu’elle commença son postulat, comme elle allait sur ses 22 ans. Et les Sœurs étaient bien contentes, parce qu’on n’a pas tous les jours d’aussi braves filles et de si grand entendement.
Mais qu’est-ce qu’on entendit tout d’un coup après l’autre guerre ?
L’ Archevêque d’ Alger, Mgr Lavigerie, deman­dait des Bretonnes pour lui aider à fonder « les Sœurs. Missionnaires d’A­frique. »
« Je n’ai à vous pro­mettre, disait-il, que la pauvreté et la souffrance, car la souffrance est la loi de l’apostolat… N’atten­dez toujours de l’Afrique que des souffrances, des déboires, des déceptions, puisque ce pays est en­core sous la puissance du démon. »
Souffrir !… Le rêve, évidemment !
Marie-Renée, pieuse paysanne de 23 ans, dit adieu à ses parents et à ses maîtresses qui pleuraient, et sui­vie de sa cousine, Marie Roudaut, comme elle de Plou­guerneau, s’en alla à Alger.
Une fois elle est revenue, il y a quarante ans. Elle a regardé le « pays » …. et jamais plus elle n’a revu « le seuil de la maison où (elle jouait) jadis … »

Là-bas, en Afrique, ce n’était pas très gai pour commencer.
Il fallait tout le jour et toute l’année, (Dieu premier servi, bien entendu,) sous un soleil de feu, défricher, labourer, vendanger, trois cents journaux de terre.
Et le coucher, la nourriture, à la mode arabe, qui ne connaît ni lit clos, ni le kiq ha farr.
Marie Roudaut, devenue Sr Suzanne, commandait l’é­quipe, et Marie-Renée, devenue Sr Marie-Salomé, suivait avec ardeur.
L’Archevêque encourageait ses Filles :

« Vous êtes venues ici, disait-il, pour souffrir et pour mourir … pour vous laisser martyriser ! … La voulez-vous, mes Sœurs, la couronne du martyre ? … La voulez-vous ? »
Sr Marie-Salomé voulait bien. En attendant, c’était la misère noire !

Dès le commencement, Mgr Lavigerie s’était servi des Sœurs de Saint-Charles de Nancy, puis des Sœurs de l’Assomption, pour former ses Filles aux œu­vres hospitalières, agricoles et scolaires. Après dix ans d’efforts héroïques, on vit bien que tout cela n’allait pas.

« Vous pouvez vous retirer, dit l’Archevêque aux Sœurs car nous allons tout recommencer. Restera qui voudra. » Les deux Ploudkernés restèrent.
C’était en 1879. Pendant un an, le petit troupeau vécut de privations ; l’Archevêque ne rouvrait pas le Noviciat; on tenait comme on pouvait.
Mais en Octobre 1880, les courageuses enfants demandèrent que l’épreuve fût conclue; l’Archevêque permit un essai.
Le Noviciat se rouvrit à la Bouzaréah ; Mère Marie-­Salomé fut choisie comme Maîtresse : elle avait 33 ans, dont dix de rude formation africaine; mais deux postu­lantes seulement restaient.
Deux ans après, le Noviciat comptait 25 Novices.

En 1882 Mère Marie-Salomé fut élue Supérieure Générale de la petite Congrégation; elle avait 35 ans.
En 1886, la Bouzaréah étant devenue trop petite, Mère Salomé transfère le Noviciat à Saint Charles de Kouba.
Sa fortune personnelle tout entière passe dans le gouffre des fondations. Elle donne tout, elle se donne toute, et ses filles se font ardentes à l’imiter.
Et le Cardinal peut dire à l’ Association des Dames pour la conversion des femmes païennes :
« La Communauté ne compte, il est vrai, que cinquante et quelques membres, mais elle a déjà plusieurs « maisons dans ,la plaine du Chéliff et en Kabylie, et les résultats obtenus par ces humbles Sœurs, dépassent ceux qu’obtiennent les Missionnaires. »

Le 4 Novembre 1892, en la fête de Saint Charles, la Très Révérende Mère Salomé présenta pour la dernière fois les vœux de toutes ses filles, au Cardinal paralysé. Il fut très bon, très grand, très saint. Il bénit la Congré­gation, et celle qui, depuis vingt ans, avait été comme son bras droit dans la difficile fondation.


Et le 26 Novembre, vers minuit, tandis que priaient, dans sa pauvre chambre, tous les membres de sa maison épiscopale, la Révérende Mère recueillit le dernier soupir de ce grand homme, qui a tant fait pour l’Eglise, la France et l’humanité.

Après la mort du Fondateur, Mère Marie-Salomé ne perdit pas courage.
La Congrégation comptait alors une centaine de mem­bres. Dans le but de favoriser le recrutement, elle ouvrit en France et à l’étranger, des Postulats où les jeunes filles qui aspirent aux missions, viennent faire, avant de partir pour l’Afrique, l’épreuve de leur vocation. (1)

Mais son grand son grand souci fut de travailler activement; ici, par ses propres moyens; là, en collaboration avec la Société des Missionnaires d’Afrique (Pères Blancs), à la création en faveur des pauvres indigènes. Et bientôt l’on vit s’ouvrir en Kabylie, et jusqu’au fond du désert, des Asiles pour l’enfance et la vieillesse; des Dispensaires, des Hôpitaux, pour les malades et les in­firmes que tous rebutent.
Enfin, pour tirer les femmes et les filles de l’oisiveté et de toutes les misères qui en sont la suite, des ateliers furent créés, où des milliers de ces pauvres créatures ont appris et apprennent encore tous les jours il gagner hon­nêtement leur vie. Mais le zèle de Mère Marie-Salomé n’a point de limites; comme celui du Fondateur, il s’étend à toutes les parties de l’Afrique.


Visite chez les Nomades

En 1878, docile à l’impulsion de leur chef, les Pères Blancs partaient, vaillants, à l’assaut de cette Afrique centrale, que les récits de Livingstone et de Stanley venaient de révéler au monde civilisé.

Les Sœurs Blanches ne tardèrent pas à prendre le même chemin, et, sous la direction des Missionnaires, se mirent à travailler de tout cœur à l’éducation de la jeunesse et de la famille chrétienne.

Le ciel bénit leur dévouement ; autour d’elles les vo­cations ne tardèrent pas à se manifester, si bien que, à cette heure, 350 vierges noires, formées par leurs soins, s’adjoignent à la pléiade d’âmes apostoliques, consacrées par la Révérende Mère Marie-Salomé, à la conversion et à la régénération de l’Afrique. (2)

Aussi, les dernières statistiques évaluent-elles à plus de 50 000 le nombre des femmes, jeunes filles, enfants instruits annuellement, dans les diverses parties de l’Afrique, par les Sœurs Blanches et par leurs aides.
Au point de vue sanitaire, les mêmes statistiques don­nent le chiffre de 1 650 000 malades, soignés par elles annuellement dans les hôpitaux, dispensaires, léproseries.
Enfin, chaque année, plus de 2 000 petits Africains, baptisés par les religieuses, à l’article de la mort, s’en vont au ciel, contempler la gloire divine que, sans elles, ils n’auraient jamais connue.

Et tout cela est le fruit de la vocation d’une pe­tite Bretonne de Plouguerneau, dont le cœur se montra docile à l’appel du bon Dieu !
Mais l’humble Marie-Renée Roudaut, de Guisseny et de Plouguerneau, la grande Supérieure d’Alger, n’y pense même pas ; il lui suffit d’avoir gagné la double couronne des Vierges et des Apôtres, et cette meilleure part ne lui sera pas ôtée.

(1)Pour la Bretagne un Postulat est ouvert à Rennes, rue Pointeau du Ronceraye,

(2)Actuellement la Congrégation des Sœurs Blanches Missionnaires de N.-D. d’Afrique, compte un peu plus de 800 membres. (Novembre 1928)

La Chronique des Sœurs Missionnaires paraît tous les mois ; elle est envoyée régulièrement à tous les Bienfaiteurs, ainsi qu’à toutes les personnes qui nous font parvenir annuellement la modeste aumône de 5 francs.

S’adresser à la Directrice de la Chronique
à Birmandreis (Alger) – C/c 44.38 Alger

CONGRÉGATION
DES
SŒURS MISSIONNAIRES DE NOTRE-DAME D’AFRIQUE

(SOEURS BLANCHES)

La Congrégation des Sœurs Missionnaires de Notre-Dame d’Afrique a été fondée en 1869 par le Car­dinal Lavigerie pour travailler en Afrique, de concert avec les Pères Blancs, à l’évangélisation de cet immense continent, et spécialement à la régénération de la fem­me infidèle.
Les Sœurs exercent leur apostolat en Algérie, en Tu­nisie, au Sahara et au Soudan Français ; dans les pays situés sur les bords des Grands Lacs de d’Afrique équato­riale et dans la région du Haut-Congo.
La Congrégation est gouvernée par une Supérieure Générale qui relève directement de Rome. Les Constitu­tions ont été approuvées définitivement par un décret du Saint-Siège en date du 14 Décembre 1909.

ADRESSES DES POSTULATS
Bagneux (Seine), 1 bis, rue des Ecoles.
Francheville-le-Haut (Rhône), « La Chardonnière »
Rennes (I.-et-V.), 8, rue pointeau du Ronceraye.